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REVUE LITTÉRAIRE.

Les usuriers, alarmés d’une démonstration faite contre eux, avaient manœuvré habilement pour rappeler leurs capitaux engagés. L’argent était devenu excessivement rare, et la circulation si languissante, que le corps politique paraissait en danger. L’empereur voyant le mauvais effet de mesures violentes, attaqua les capitalistes par la concurrence. Il fonda de ses deniers une banque publique de prêt au capital de cent millions de sesterces (environ vingt millions de francs), et quiconque eut à offrir des garanties suffisantes obtint des avances pour trois ans et sans intérêt. Dans la constitution des cités provinciales, on trouve également trace de quelques établissemens de crédit. Il leur manqua sans doute la stabilité et la permanence pour être classés, comme les caisses modernes, au nombre des institutions nationales ; mais, dans leur mécanisme intérieur, ils en différaient peut-être beaucoup moins qu’on ne le suppose. Les anciens eurent de très bonne heure l’équivalent de notre monnaie de papier, c’est-à-dire des signes de confiance, des jetons de cuivre, de fer ou d’étain qui multipliaient fictivement les métaux précieux. Les Carthaginois faisaient apposer un timbre sur des pièces de cuir, et Eschine le philosophe dit à ce sujet dans son Dialogue sur les richesses : « À Carthage, on se croit riche quand on possède beaucoup de ces pièces ; chez nous, au contraire, celui qui en aurait un grand nombre ne serait pas plus riche que s’il possédait un tas de cailloux. »

Malgré les lacunes et les inévitables imperfections que nous avons signalées, le livre de M. Dureau de La Malle n’en conserve pas moins une utilité qui sera certainement appréciée. Nous désirons sincèrement que le succès fortifie l’auteur dans le désir qu’il laisse entrevoir d’aborder plusieurs points négligés. C’est d’ailleurs trop de modestie de sa part que de se contenter, comme il le dit lui-même, « de tirer des carrières de l’antiquité quelques pierres utiles à l’achèvement de l’ensemble. » Les savans apaisent trop souvent leur conscience littéraire avec de pareilles excuses ; mais le public se refuse à les admettre. Un encombrement de matériaux est pour la foule un épouvantail : la voie où il se trouve cesse d’être fréquentée, et, pour qu’on y revienne avec plaisir, il faut qu’une main intelligente ait relevé les blocs épars et construit un édifice.


Vita di Caterina de’ Medici. Saggio storico di Eugenio Alberi[1]. — Cette nouvelle biographie de Catherine de Médicis doit son principal intérêt à la communication faite à M. Alberi, des pièces diplomatiques et des correspondances confidentielles conservées dans les archives de Florence. La mémoire de Catherine gagne beaucoup à cette révélation tardive. La plupart des historiens nous ont montré jusqu’ici, dans la mère de Charles IX, une femme impérieuse, perfide, prompte au crime, dominée par une idée fixe, l’extermination de l’hérésie, et complotant le massacre des huguenots, sept ans à l’avance, dans une conférence qu’elle eut à Bayonne avec le farouche duc

  1. 1 vol.  grand in-8o avec 18 portraits : à Florence et à Paris, chez Benjamin Duprat, rue du Cloître-Saint-Benoît, 7.