Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
REVUE DES DEUX MONDES.

tremblant et incertain, ne sachant où se réfugier, où fuir. Si la progression des vagues eût continué encore pendant un quart d’heure, pas une rue n’échappait au déluge ; mais, au dernier moment de la crise, l’onde s’abaissa graduellement, et la ville fut sauvée.

La construction et l’entretien des digues coûtent chaque année des sommes énormes à la Hollande. Les ingénieurs les plus habiles sont employés à ces constructions ; une administration particulière ordonne et règle leurs travaux. Une partie des dépenses est comprise dans le budget de l’état ; le reste est à la charge des provinces. Chaque propriétaire riverain paie en sus de la contribution générale, un impôt spécial pour les digues, proportionné à l’étendue de ses propriétés et à leur voisinage de l’eau. De larges digues en fascines ou en terre s’étendent tout le long des rivières et des fleuves ; quelques-unes servent de route, comme la chaussée de Blois. D’autres digues plus fortes et plus élevées sont bâties au bord de la mer. Au Helder, c’est une haute muraille construite en talus, et soutenue à sa base par d’énormes blocs de pierre comme la jetée de Cherbourg. À Harlingue, le travail de la digue est encore plus curieux. C’est une palissade de poutres carrées serrées l’une contre l’autre, liées ensemble par des poutres transversales, et protégées du côté de la mer par un amas de grosses pierres. Derrière cette muraille en bois, qui s’élève à douze pieds environ au-dessus du sol, il y en a une seconde formée comme la première de poutres épaisses, mais moins hautes, puis une rangée de pierres de deux pieds de large, puis enfin une troisième palissade en bois, qui s’élève comme la rangée de pierres à trois ou quatre pieds au-dessus du sol. Cette digue s’étend sur toute la côte de la Frise. Qu’on se figure, s’il est possible, ce qu’il a dû en coûter pour amasser toutes ces pièces de bois, pour construire les digues en pierre du Helder dans un pays où il n’y a ni pierres ni bois, où il faut faire venir ces matériaux de la Norvége.

Sur les autres rives de la mer du Nord, il y a en certains endroits des dunes qui sont la meilleure de toutes les digues ; mais les Hollandais sont encore obligés de se défendre contre ces barrières naturelles qui les protégent, car le vent mine le flanc de ces dunes, en renverse les sommités, et répand des flots de sable sur les champs et sur les pâturages. Pour prévenir ce danger, on plante de distance en distance des haies de roseaux qui croissent dans le sable et le retiennent, et l’on fait une guerre acharnée aux lapins qui, en allant établir là leur terrier, détruiraient les plantations. Mais les efforts des Hollandais vont plus loin. Dans quelques parties de la contrée, les