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les officiers qui cherchaient à le défendre. Doués d’une vigueur athlétique, les naturels engagèrent une lutte corps à corps dans laquelle tout l’avantage leur resta. Les pierriers des chaloupes portaient à faux ; les mousquets, avec leurs amorces mouillées, faisaient mal leur service. Ce fut une horrible boucherie. Heureusement, par un mouvement spontané, les équipages compromis se décidèrent à abandonner les chaloupes pour se réfugier dans les canots. Cette diversion sauva une partie de nos marins. Ramenés par cette retraite à l’instinct du pillage, les sauvages se précipitèrent à l’envi sur les embarcations qu’on leur abandonnait, les mirent en lambeaux, les dépecèrent et s’en disputèrent les débris. Dans cet intervalle, les canots, un instant arrêtés dans leur marche, purent s’éloigner et regagner les frégates ; mais vingt-cinq hommes étaient restés sur cette plage fatale, et long-temps on crut que leurs cadavres avaient été dévorés.

Le passage des corvettes à Opoulou, sur le groupe d’Hamoa, contribua à éclaircir ce qu’il y avait de mystérieux dans cette affaire. D’après les renseignemens qui furent donnés, ce désastre fut le résultat d’un malentendu, et non d’un complot formel. Les naturels d’Hamoa sont d’origine polynésienne, et rien chez eux ne révèle des habitudes de cannibalisme. Les corps des victimes furent donc inhumés, et quelques blessés, qui survécurent à la catastrophe, purent finir tranquillement leurs jours dans ces îles. La conduite des insulaires à l’égard de l’Astrolabe et de la Zélée ne démentit pas d’ailleurs ce qu’une explication semblable peut avoir de favorable pour eux. Durant le cours de la relâche, ils se montrèrent fort pacifiques. Un jour seulement il arriva qu’un élève, qui s’était aventuré dans l’intérieur, fut dépouillé par son guide. À l’instant, le commandant voulut donner au pays une leçon sévère. Cinquante hommes armés débarquèrent sur la grève, et une réparation fut demandée. Le chef du village l’accorda sans délai. Il fit restituer les objets volés, et y ajouta douze petits cochons, sous forme d’amende.

On recueillit, dans cette relâche, quelques détails sur les îles du groupe d’Hamoa. Le christianisme les a déjà visitées. Des missions luthériennes et catholiques y ont successivement paru. Le littoral semble à peu près converti ; l’intérieur seul est idolâtre. Le type y est beau, les femmes surtout ont des formes remarquables. Au premier coup d’œil, il est facile de distinguer un chrétien d’un idolâtre. Le chrétien se coupe les cheveux ; l’idolâtre les laisse croître, et comme la chevelure est fort crépue, on le dirait chargé d’une énorme per-