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EXPÉDITION DE L’ASTROLABE.

Philippines, les îles de la Sonde. Quoique très fréquentées, ces mers offrent encore bien des points sur lesquels la science hésite, et qui sont plutôt fixés dans la pratique que dans la théorie. Ces divers groupes exigeraient, dans leurs nombreux détails, une étude de plusieurs années, car, pour être plus voisins des grands continens, ils n’en sont guère mieux connus.

L’Astrolabe et la Zélée promenèrent d’Amboine à Batavia leurs marins décimés, en visitant sur cette route une foule de points intermédiaires. Durant les six derniers mois de 1839, l’état sanitaire des équipages ne fit qu’empirer. Une relâche à Batavia en octobre n’améliora pas la situation, et à l’arrivée à Hobart-Town, en Tasmanie[1], l’Astrolabe et la Zélée ressemblaient à des hôpitaux flottans. Le séjour dans ce port austral put seul amener une amélioration notable et arrêter les progrès du fléau. Les malades furent débarqués, et des secours bien entendus en sauvèrent le plus grand nombre. Dans cette longue et douloureuse campagne, le dévouement du chef de l’expédition et de ses officiers ne se démentit pas un instant. Toujours à leur poste, même quand leurs forces semblaient les trahir, ils luttèrent entre eux de courage et de zèle, et soutinrent le moral de ces hommes vaincus par la douleur. Le service médical se surpassa : il chercha à suppléer au nombre par l’activité ; plusieurs traits d’un héroïsme simple et modeste marquèrent ces jours d’épreuve.

Cependant, à mesure que la vie renaissait parmi les équipages, le sentiment de leur mission se réveillait aussi parmi les chefs. L’air d’Hobart-Town avait opéré des prodiges : il ne restait plus dans l’hospice de la ville que sept à huit malades, et la vigueur était revenue à bord avec la santé. Le commandant tenait surtout à signaler son expédition par un succès du côté du pôle antarctique, et il avait résolu de tenter un dernier effort dans cette direction. Le 1er avril 1840, l’Astrolabe et la Zélée tournèrent de nouveau leurs proues vers ces zônes glaciales, où depuis deux siècles viennent se briser les efforts humains. Le désir d’atteindre à l’impossible est si vif dans nos cœurs, que les échecs ne nous détournent pas de cette poursuite. Le problème des pôles est, comme le problème de l’existence, impénétrable peut-être, et c’est pour cela que l’on s’obstine dans sa recherche. L’homme n’est curieux que de ce qu’il ignore. L’expédition australe obéissait à cet instinct.

Jusqu’au 60° de latitude, la navigation, pénible et lente, n’offrit

  1. Terre de Van-Diémen.