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d’une véritable barbarie. Les persécutions et les tourmens étouffent rarement les sectes, et si ce mouvement se ralentit peu à peu, ce fut d’un côté parce que, en prêchant la république pour arriver à l’indépendance, on renversait la question, qui en Italie est tout-à-fait indépendante de la forme du gouvernement, et d’autre part parce qu’on commença généralement à craindre que la république ne pût s’établir en Italie qu’imposée par une minorité énergique, qui, comprimant l’opinion générale, aurait besoin pour réussir d’abolir la liberté. Or, même chez les Italiens qui aiment les républiques par le souvenir des grandes choses qu’elles ont faites au moyen-âge, il n’y en a pas beaucoup qui pensent devoir sacrifier la liberté à une forme de gouvernement. D’ailleurs, les radicaux italiens n’ont pu s’entendre long-temps avec les radicaux français, qui, malgré les leçons de l’expérience, ont semblé souvent trop disposés à renouveler la propagande armée et oppressive du dernier siècle, plutôt qu’à laisser chaque peuple développer à sa guise et suivant ses propres besoins les améliorations et les progrès qui lui sont nécessaires.

Depuis quelques années, les esprits se sont calmés sensiblement en Italie ; excepté la Romagne et la Sicile, pays malheureux et horriblement gouvernés, et qui tous les jours espèrent changer, parce qu’ils ne sauraient rester comme ils sont, on a cessé de croire à un changement prochain. On prononce toujours le mot Italie avec espoir, on désire vivement l’indépendance italienne, mais on ne sait pas d’où elle peut arriver, et l’on cherche à instruire le peuple et à réaliser des améliorations qui ne peuvent produire leur effet qu’au bout d’un temps très considérable. On songe moins à la France, et l’on affecte même de s’en éloigner. L’occupation d’Ancône, qui produisit d’abord quelque effet, cessa d’exciter l’attention lorsqu’on dut renoncer à voir des ennemis du pape dans les soldats français. Les affaires de l’année dernière ont été vite et judicieusement jugées. On n’a pas cru que la France, malgré ses démonstrations, ferait la guerre à l’Europe pour soutenir le pacha d’Égypte, et l’on ne croit pas non plus que l’Europe ose, par une croisade inutile et dangereuse, forcer la France à sortir de son inaction.

En constatant cet affaiblissement de l’influence française, que pour notre part nous déplorons vivement, nous ne devons pas passer sous silence une autre cause qui a contribué notablement, avec les circonstances politiques, à amener ce résultat. Nous voulons parler de la manière souvent inexacte et quelquefois même malveillante dont l’Italie a été appréciée par la plupart des écrivains français.