Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/705

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
697
RÉVOLUTIONNAIRES ANGLAIS.

voulait plus de couronne arbitraire. Que le symbole royal, l’homme placé à la tête de l’ancienne machine royale, ait péri en France comme en Angleterre, cela ne peut étonner : il était le prisonnier de guerre de ses ennemis, auxquels il faisait peur. Charles Ier et Louis XVI moururent comme symbole.

Ces effroyables et inévitables cruautés devraient bien nous apprendre qu’en fait de politique, il n’est point question d’équité, mais de combat ; que le guerrier le plus fin, le plus rusé, le mieux armé, le plus vigoureux, le plus adroit l’emporte, et qu’il faut, en outre, que les circonstances le favorisent. Pym, qui ne s’arrête devant rien et qui vient de tuer de sa main, dans un discours qui dura six heures, le compagnon de sa jeunesse, est assurément un des plus inexorables parmi ces guerriers. Arrêtons-nous à ce moment de sa vie et de son triomphe. La maîtresse de Strafford se donne à Pym ; le peuple entier le salue comme un vengeur et un héros. Il est maître des communes.

Cette domination, il est vrai, n’embrasse qu’un petit nombre d’années ; les triomphes sont courts en temps de révolution. La révolution d’Angleterre se divise en trois grandes phases : celle de préparation ou de réforme parlementaire, pendant laquelle on s’occupe à détruire un à un tous les priviléges de la royauté ; la seconde, de fanatisme religieux et guerrier, qui se termine par le meurtre de Charles Ier, c’est l’époque de l’exaltation et des combats ; la troisième, d’organisation intérieure et de puissance à l’extérieur, c’est le protectorat. Cette dernière époque est dominée par Cromwell ; la seconde appartient aux saints et aux exaltés ; la première, à Pym. Elle a moins d’éclat que les autres, et l’on a peu parlé de lui ; mais il en était l’instigateur et le chef, comme je l’ai prouvé.

C’est ce qui le rapproche de Danton, dont il me reste à parler, et qui occupe la première place dans la seconde phase de la révolution française. Il suit Mirabeau et précède Robespierre. Il semble avoir commis ou permis des actions plus violentes que celles de Pym, mais ce n’est qu’une apparence. L’accusation contre Strafford vaut toutes les cruautés. Leur analogie principale, c’est que, dans les grandes affaires auxquelles ils prirent part, ils osèrent tout et frappèrent juste. Danton repoussa l’étranger ; Pym détruisit l’arbitraire. L’un garda le silence pendant les boucheries de septembre ; l’autre fit tomber la tête de son malheureux et noble ami Wentworth, comte de Strafford. L’un et l’autre mêlèrent le plaisir, la ruse, les complots, dans une vie ardente, voluptueuse et occupée. L’un arracha son pays à l’étranger, l’autre à l’arbitraire : que Dieu prononce.