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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

chantes, les vertus domestiques, les mœurs hospitalières des populations germaniques. Où donc est notre crime ? Notre crime ? le voici. Nous avons dit que le grand siècle littéraire de l’Allemagne est passé ; que ce pays, illustré naguère par des œuvres de génie, tombe de plus en plus dans la traduction et l’imitation ; que des milliers de volumes enfantés chaque année par les diverses provinces de ce vaste empire, il en est bien peu qui méritent une mention sérieuse. Si l’Allemagne ne veut pas qu’on nous croie, qu’elle retranche donc du nombre immense de ses publications littéraires tous les volumes qui naissent comme des aigles et sont ensevelis comme des krebse, qu’elle raie de ses catalogues, de ses journaux, de ses répertoires de théâtre, tous les romans, toutes les nouvelles et toutes les pièces empruntés seulement à la France : nous verrons ce qui lui restera.

Pour faire notre confession tout entière, nous avouerons encore un autre crime dont nous nous sommes rendu coupable, et celui-ci est beaucoup plus grave. Nous avons osé attaquer dans l’enivrement de son orgueil cette école nouvelle qui prétend régénérer l’Allemagne en y introduisant les moqueries de Voltaire, cette pléiade d’écrivains vaniteux qui supplée au vide de ses idées par des phrases pompeuses, cette jeune Allemagne enfin, puisqu’il faut l’appeler par son nom, qui, entre autres merveilles fort ingénieuses dans un pays de religion, d’ordre et de morale, a découvert pour son agrément le jacobinisme et l’impiété. C’est parce que nous aimons l’Allemagne avec son vrai caractère et sa vraie grandeur, ses noms de savans vénérés de tout homme studieux et ses mœurs chéries des voyageurs ; c’est parce que nous voudrions la voir persister dans la voie où elle s’est acquis tant de gloire, que nous réprouvons cette vaine et fausse littérature dont toute l’originalité consiste à outrager les saines idées du passé. Un journal de Dresde, dont le rédacteur ne nous est connu que de nom, a bien voulu dire que, si nous n’avions pas formulé tant de vérités dans nos derniers articles sur l’Allemagne, nous n’aurions pas soulevé tant d’animosité. Nous le remercions de cette justification, et nous continuerons à dire franchement notre opinion sur l’état actuel de la littérature allemande, sauf à nous attirer quelque nouvelle invective des journaux de MM. Gutzkow, Laube, Th. Mundt, Éd. Düller, et quelque longue lettre de M. O.-L.-B. Wolff.

Mais l’Allemagne, dont la susceptibilité est si facile à éveiller, et l’esprit si irritable quand nous parlons de ses frontières, de sa littérature, de ses œuvres d’art et de son caractère, est-elle bien sûre de la rectitude parfaite des jugemens qu’elle porte sur la France ? Sait-elle que si nos écrivains vivaient dans cette continuelle préoccupation d’eux-mêmes qui est une des faiblesses des Allemands, si nous voulions nous mettre à commenter ses livres et ses journaux comme elle veut bien commenter les nôtres, il n’en est pas un où nous ne trouverions à chaque instant quelque grave erreur ou quelque plaisante théorie ? Je prends, par exemple, une longue dissertation sur la littérature française publiée récemment dans un des recueils les plus populaires de l’Allemagne, et j’y trouve la classification la plus étrange qu’il soit possible