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comme M. Laube, pour écrire des Luftschlœsser, ni de prendre un grand pays comme le nôtre à vol d’oiseau pour publier, comme M. Mundt, des Volkerschau, ni de jeter çà et quelques faux coups de crayon, pour rapporter dans sa bonne Saxe des silhouettes, comme M. de Bonstetten. Il avait tout ce qu’il fallait pour bien voir, et il a bien vu. Dans les premiers temps de son séjour ici, il cherchait ce pays fabuleux, ces esprits singuliers qu’il avait vus dépeints dans tant de lettres datées de Paris, et marchait de surprise en surprise. « La France est bien plus calme, me disait-il, et bien plus sérieuse qu’on ne nous la représente. » Maintenant, quand on lui adressera une de ces correspondances aventurées comme il en recevait autrefois, il pourra en découvrir les erreurs et en corriger les exagérations. Puissent d’autres hommes influens comme lui par leur situation venir à leur tour visiter notre pays, non pas en courant, mais avec attention ! Il est temps que les petites animosités soulevées récemment entre l’Allemagne et la France fassent place de part et d’autre à une sérieuse et loyale appréciation. Le génie de ces deux nations est tel qu’elles se complètent l’une par l’autre. À celle-là la réflexion, à celle-ci les tendances pratiques ; là-bas l’étude qui recueille les faits, la science qui les analyse, l’esprit philosophique qui en tire des conclusions et en forme des théories ; ici le mouvement, la spontanéité, la vie, la vie quelquefois trop orageuse et trop bruyante, mais souvent solennelle et féconde. La nature semble avoir mis exprès, l’une à côté de l’autre, ces deux nations, comme les deux élémens essentiels d’un grand ordre de choses et d’idées. Elles ont été réunies autrefois sous le sceptre de fer de Charlemagne. Ne peuvent-elles l’être bien plus sûrement et plus légitimement encore sous une loi de progrès et de civilisation ?

Nous avions besoin de ce préambule pour expliquer notre véritable situation à l’égard de la presse allemande. Nous reprenons maintenant notre revue littéraire, et nous la continuerons régulièrement.


Geschichte der Geographie (Histoire de la Géographie), par J. Lœwenberg — Les étrangers nous reprochent de ne pas connaître la géographie, et ils ont raison. C’est vraisemblablement de toutes les sciences humaines celle qui nous occupe le moins, et il n’est pas, sans aucun doute, d’enseignement qui soit plus négligé dans nos écoles élémentaires et nos colléges. Dans la plupart de ces établissemens, c’est le professeur chargé des cours de grec et de latin qui donne par supplément une leçon hebdomadaire de géographie. Les élèves apprennent ainsi à la longue quelques principes généraux, des termes techniques, des noms de villes et de royaumes. Leur regard s’exerce à suivre sur une carte le cours d’un fleuve, ou les ramifications d’une chaîne de montagnes, et leur mémoire à retenir une froide et aride nomenclature. Cette nomenclature est à la science géographique ce qu’un catalogue de plantes est à la botanique, un dictionnaire à un poème, un assemblage de lignes à un tableau. Le vrai géographe ne la regarde que comme l’échafaudage de son œuvre et de sa pensée. S’il entreprend de décrire un pays, il commence par en indiquer la