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dirigèrent. Ils partirent avec une flotte de vingt-quatre bâtimens, et après sept années de navigation, de haltes, de détours, ils arrivèrent sur le sol néerlandais en l’année 312 avant Jésus-Christ. (Les chroniques frisonnes sont très précises et donnent scrupuleusement les chiffres.) La terre sur laquelle Friso venait d’aborder était en grande partie couverte d’eau et déjà occupée par une tribu des Suèves. L’intrépide navigateur, à peine débarqué, leur livra une bataille, et les soumit à son pouvoir ; puis, après s’être ainsi emparé du pays, il lui donna son nom, éleva des digues, bâtit des villes, entre autres celle de Stavoren, qui subsiste encore, et qui était consacrée au dieu Stavo. Peu à peu, il porta ses armes victorieuses plus loin, il subjugua d’autres tribus, et soumit à sa domination tout le nord et une partie du sud de la Hollande. Cependant l’accroissement de la population le força d’éloigner de lui ses deux frères et une partie de ses sujets. Saxo se retira en Saxe, et Bruno dans le pays de Brunswick. Quant à Friso, il régna encore plus de soixante ans, et lorsqu’il mourut, on célébra ses funérailles à la manière des Perses.

Des sept grands districts qui formaient autrefois le pays des Frisons, il ne reste que la province de Frise, dont Leeuwarden est la capitale. C’est une ville de dix-huit mille ames, régulière, élégante, bien bâtie. Sa prison a plus d’une fois excité l’attention des hommes qui s’occupent de systèmes pénitentiaires[1]. Il n’est personne, je crois, qui n’admire la sagesse de ses règlemens, les heureux résultats obtenus par l’habileté des directeurs, la classification des détenus, et personne sans doute qui ne soit sorti de là avec un profond sentiment de pitié pour ces malheureux entassés dans des dortoirs trop étroits, comme des nègres dans les flancs du négrier. Que le gouvernement hollandais restreigne autant que possible les dépenses de cette prison ; qu’il en soit venu, je ne sais comment, à nourrir pour 12 florins par an, dans un pays où toutes les denrées sont fort chères, des hommes qui travaillent tout le jour, cela peut bien être admis ; mais qu’au moins il élargisse l’édifice dans lequel sept cents prisonniers sont enfermés, qu’il ne leur refuse pas un peu d’espace pour respirer l’air qui ne coûte rien, l’air qui est la vie ! Tant que la prison de Leeuwarden restera telle qu’elle est, les détenus les plus heureux seront certainement les plus coupables, ceux que l’on garde avec des chaînes dans une cellule, car ceux-là ont du moins trois à quatre pieds autour d’eux pour se mouvoir.

  1. M. Ramon de la Sagra, dans un livre sur la Hollande, en a donné une description exacte et détaillée.