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Si des traditions du peuple hébreu nous passons à celles des autres peuples, c’est encore dans les livres sacrés, dans les œuvres des poètes, que nous trouvons les premiers indices d’une idée géographique. Toute la cosmogonie scandinave est dans l’Edda, la cosmogonie indienne dans les Vedas, la cosmogonie grecque dans Homère et Hésiode. Le bouclier d’Achille, forgé par Vulcain et décrit dans le XVIIIe livre de l’Iliade, fut pendant plusieurs siècles l’atlas classique du monde.

Les expéditions maritimes des Phéniciens et des Carthaginois, les voyages d’Hérodote, le plus ancien voyageur scientifique que nous connaissions, et par-dessus tout les merveilleuses conquêtes d’Alexandre, agrandirent considérablement le domaine des connaissances géographiques. Cependant les philosophes de l’antiquité se faisaient encore de la structure du monde une idée irrégulière. D’après la doctrine d’Anaxagore et d’Épicure, la terre était ronde et plate, recouverte par la voûte du ciel comme un cadran par le verre d’une pendule. Cette voûte était si élevée, que Vulcain mit tout un jour à tomber de la demeure des dieux dans l’île de Lemnos. Héraclite fit de la terre une sorte de barque flottant au milieu des eaux ; Cléanthe la représenta sous la forme d’une pyramide ; Xénophane, sous celle d’un cône ; Anaximandre en fit un cylindre, et Pythagore un cube. Platon, d’ordinaire si net, n’émet que des idées assez confuses sur ce point : tantôt il semble avoir attribué à la terre la forme cubique, tantôt celle d’une boule. Enfin Eudoxe de Cumes, qui vivait au IVe siècle avant notre ère, fait de notre globe un carré long entouré par l’Océan.

Avec le règne d’Alexandre, une autre époque s’ouvre dans les annales de la géographie. Il révéla par le succès de ses armes, par l’incessante activité de son génie, ce qui était resté jusqu’alors inconnu aux recherches patientes des philosophes. Son œuvre de conquête s’arrêta, il est vrai, à sa mort. Ses successeurs se disputèrent les diverses parties de son empire, au lieu d’en reculer les limites ; mais les peuples les plus étrangers l’un à l’autre avaient appris à se connaître, des communications avaient été établies entre l’Europe et l’Asie ; les marchands, ces autres conquérans du monde, se frayèrent une route à travers les contrées découvertes par la puissance du glaive, et les savans puisèrent de nouveaux renseignemens dans le récit de ces excursions commerciales. Au IIIe siècle avant Jésus-Christ, paraît Ératosthène, que l’on regarde comme le fondateur de la géographie mathématique ; il recueille tout ce qui a été dit par les poètes sur les limites de la terre, par Hérodote sur les diverses populations du monde, par Aristote sur la physique du globe ; il rassemble toutes les découvertes faites par Alexandre et ses généraux, tous les documens enfouis dans la bibliothèque d’Alexandrie, et compose à l’aide de ces matériaux un vaste ouvrage de géographie. Pendant ce temps, les conquêtes de Rome ouvrent aux regards étonnés un nouvel horizon. L’aigle audacieux de la république vole d’une contrée à l’autre ; ni les fleuves inconnus, ni les mers profondes, ni les montagnes inaccessibles, ne l’arrêtent dans son essor. Aujourd’hui, il plane sous le ciel brillant de l’Afrique ; il s’arrête avec