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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

artistement en bois, orné de cornes d’animaux. Les murailles extérieures étaient couvertes d’images de dieux et de déesses, et dans l’intérieur du temple on voyait d’autres divinités portant un casque et une armure.

Cinquante ans après Dithmar, Adam de Brême parle de la ville de Rhetra, où l’on voit la statue d’une des principales idoles slaves, toute en or et revêtue de pourpre.

À la pointe septentrionale de l’île de Rügen, dans une ville qui n’existe plus, mais que Saxo le grammairien a décrite, et à laquelle il donne le nom d’Arcona, on voyait un temple plus riche et plus célèbre que celui de Rhetra, le temple de Swantewit. Il était construit en bois, entouré d’une forte palissade, orné de sculptures et surmonté d’une coupole peinte en rouge. Dans l’intérieur de l’édifice s’élevait la statue du dieu, avec quatre cous et quatre têtes. Il tenait à la main droite une coupe formée de différens métaux que le prêtre remplissait chaque année d’hydromel, et son bras gauche était courbé en forme d’arc. D’un côté étaient la selle, la bride du coursier sacré que le dieu était censé monter la nuit pour combattre les ennemis de son peuple, de l’autre on voyait sa large épée avec une poignée d’argent. Chaque année on offrait à ce dieu redouté des sacrifices d’animaux, on lui offrait, en outre, au retour d’une campagne, le tiers du butin enlevé à l’ennemi. Trois cents cavaliers choisis formaient sa garde, et le prêtre qui desservait son temple avait une grande autorité. C’est lui qui rendait les oracles, qui présageait l’avenir et qui par là même décidait la question de la paix ou de la guerre.

Ces Slaves, dont les annales germaniques nous dépeignent le caractère, étaient, comme ceux dont parlent les historiens de l’antiquité, remarquables par des usages touchans, par des vertus domestiques fortement enracinées. Ils s’honoraient de leur respect pour leurs princes, de leur obéissance envers leurs parens, de leur fidélité à tenir leurs engagemens. L’hospitalité était surtout pour eux un devoir sacré. Dès qu’un étranger se présentait dans une maison, il devait avoir la première place au foyer, la première place à table, et la famille devait à l’instant chercher pour lui dans ses provisions les fruits les plus beaux et le poisson le plus frais. Si un Slave refusait de donner asile à l’étranger, ses voisins avaient le droit de venir renverser sa maison, dévaster ses propriétés. Cette loi de l’hospitalité allait si loin, qu’elle autorisait même le vol, qui dans toute autre occasion était regardé comme un crime abominable. Un Slave qui n’avait pas de quoi héberger un voyageur pouvait impunément s’en aller dérober les alimens et les meubles nécessaires pour apaiser la faim et assurer le repos de son hôte.

Il n’existe aucun document précis sur l’idée que les Slaves se faisaient de la destinée de l’homme après la mort. Cependant, à en juger par les pieuses cérémonies avec lesquelles ils envelissaient leurs morts, par les objets précieux, les armes et les ustensiles qu’ils déposaient dans l’urne sépulcrale, on peut présumer qu’ils croyaient à la prolongation de cette vie dans un autre monde. On brûlait les morts sur un bûcher, et souvent les femmes demandaient à être brûlées avec leur mari.