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REVUE DES DEUX MONDES.

Le protectorat européen, nettement, clairement stipulé, à l’exclusion de tout protectorat particulier ? Est-ce là ce que la Russie signera, sans ambages, par une disposition formelle, par un article de traité ? Qu’on nous l’apporte : nous applaudirons de grand cœur ; mais nous y regarderons de près, de très près, avant d’y croire.

Peut-être va-t-on faire valoir les avantages indirects de l’arrangement. Toujours est-il, nous dira-t-on, que notre isolement aura cessé, que nous pourrons désarmer sans crainte, alléger les charges de notre trésor, employer l’argent des contribuables à des entreprises plus utiles que les fortifications de la capitale. On connaît les élégies de certains industriels romantiques. On nous étale toute sortes de craintes bien touchantes, moins une cependant, celle de voir les Cosaques bivouaquer pour la troisième fois aux Champs-Elysées. Celle-là, on l’oublie. Est-ce que ces messieurs, s’ils enfonçaient les tonneaux de vin de Champagne, ne brisaient pas les métiers ?

Si c’est là tout le profit que la France doit retirer du concert européen, nous avons le malheur de ne pas le comprendre. Désarmer ! Nous aimerions encore mieux désarmer aujourd’hui même, motu proprio, qu’à la suite d’une convention illusoire. Il y aurait plus de dignité et plus de courage.

Au surplus, ici encore, nous ne rappellerons pas les paroles de l’opposition, mais celles d’un membre de la majorité, de M. Dufaure. Avec lui, nous dirons que les termes de l’adresse ont marqué suffisamment le degré de prudence à la fois et de dignité que le cabinet doit garder dans la conduite de nos affaires étrangères.

Mais il ne convient pas de s’arrêter davantage sur de simples conjectures, sur des bruits qui n’ont peut-être aucun fondement.

Que le ministère organise notre force militaire ; la France en a besoin. C’est encore M. Dufaure qui l’a dit. Quant aux négociations, avant de rien prononcer, il est juste et prudent d’attendre que le public soit initié à la connaissance réelle des faits.


V. de Mars.