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la plus risible caricature qu’on put voir. Ce bal rustique nous eût long-temps captivés, n’était l’odeur d’huile rance et d’ail qu’exhalaient ces messieurs et ces dames, et qui prenait réellement à la gorge. Les déguisemens de carnaval avaient moins d’intérêt pour nous que les costumes indigènes ; ceux-là sont très élégans et très gracieux. Les femmes portent une sorte de guimpe blanche en dentelle ou en mousseline, appelée rebozillo, composée de deux pièces superposées, une qui est attachée sur la tête un peu en arrière, passant sous le menton comme une guimpe de religieuse, et qui se nomme rebozillo en amount, et l’autre qui flotte en pèlerine sur les épaules, et se nomme rebozillo en volant ; les cheveux sont séparés en bandeaux lissés sur le front, et sont attachés derrière pour retomber en une grosse tresse qui sort du rebozillo, flotte sur le dos et se relève sur le côté, passée dans la ceinture. En négligé de la semaine, la chevelure non tressée reste flottante sur le dos en estoffadé. Le corsage en mérinos ou en soie noire, décolleté, à manches courtes, est garni, au-dessus du coude et sur les coutures du dos, de boutons de métal et de chaînes d’argent passées dans les boutons avec beaucoup de goût et de richesse. Elles ont la taille fine et bien prise, le pied très petit et chaussé avec recherche dans les jours de fête. Une simple villageoise a des bas à jour, des souliers de satin, une chaîne d’or au cou et plusieurs brasses de chaînes d’argent autour de la taille et pendantes à la ceinture. J’en ai vu beaucoup de fort bien faites, peu de jolies ; leurs traits étaient réguliers comme ceux des Andalouses, mais leur physionomie plus candide et plus douce. Dans le canton de Soller, où je ne suis point allé, elles ont une grande réputation de beauté.

Les hommes que j’ai vus n’étaient pas beaux, mais ils le semblaient tous au premier abord, à cause du costume avantageux qu’ils portent. Il se compose, le dimanche, d’un gilet (guarde-pits) d’étoffe de soie bariolée, découpé en cœur et très ouvert sur la poitrine ainsi que la veste noire (sayo) courte et collante à la taille, comme un corsage de femme. Une chemise d’un blanc magnifique, attachée au cou et aux manches par un poignet brodé, laisse le cou libre et la poitrine couverte de beau linge, ce qui donne toujours un grand lustre à la toilette. Ils ont la taille serrée dans une ceinture de couleur et de larges caleçons bouffans comme les Turcs, en étoffes rayées, coton et soie, fabriquées dans le pays. Avec cela, ils ont des bas de fil blanc, noir ou fauve, et des souliers de peau de veau sans apprêt et sans teint. Le chapeau à larges bords, en poil de chat sauvage (moxine), avec des cordons et des glands noirs en fil de soie et d’or, nuit au