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purisme que la Suisse française se sent à l’égard de la France. Et ici je me permettrai de blâmer M. Töpffer sur un point.

Indépendamment des articles d’art et des piquans chapitres sur le lavis, il en a fourni plusieurs autres à la Bibliothèque universelle de Genève, excellent recueil en beaucoup de parties et digne d’une cité qui a produit au début Jean Le Clerc, le second et très estimable journaliste à côté de Bayle. Mais trop souvent dans ces articles de M. Töpffer[1], comme dans la plupart de ceux que la Bibliothèque universelle publie sur la littérature, je regrette de trouver la France traitée comme une nation étrangère, nos écrivains à la mode pris à parti et entrechoqués, comme on le pourrait faire par-delà le détroit. Cette espèce d’opposition, inutile d’abord, est surtout disgracieuse ; rien de moins propre à diminuer nos préjugés d’ici. Nous avons du purisme à l’endroit de Genève ; on y répond par du puritanisme, et notre purisme va en redoubler de dédain. Une telle polémique, morale par l’intention, mais où il entre pour le détail beaucoup d’inexactitudes, tend à prolonger un état de roideur et de secte, un système de défensive qui ne me paraît point du tout favorable à ce que je désire le plus avec M. Töpffer, l’expression libre et poétique de la Suisse par elle-même.

Assez de critique. M. Töpffer commença à poindre comme romancier dès 1832, par un charmant opuscule, la Bibliothèque de mon Oncle, qui fait aujourd’hui le milieu de l’Histoire de Jules. L’année suivante, il publia la première partie du Presbytère[2] ; après quoi il se délecta, non pas, dit-il, à faire des suites à ces deux parties, mais à compléter le tableau dont elles étaient pour lui un fragment. Élisa et Widmer ne fut même qu’une étude où il s’exerçait à trouver des tons pathétiques pour la fin du Presbytère. En 1834, il donna l’Héritage, où ces tons touchans, pour être contrariés par une veine bizarre, ne ressortent que mieux. J’indiquerai encore, dans l’intervalle de 1833 à 1840, comme ayant paru à part ou dans la Bibliothèque universelle, la Traversée, la Peur, et quelques petites relations de voyages, la Vallée de Trient, le Grand Saint-Bernard, le Lac de Gers, le Col d’Anterne[3]. De ces derniers petits récits, j’aime la

  1. Quelques-uns ont été recueillis dans un volume de Nouvelles et Mélanges. (Genève, Cherbuliez, 1840.)
  2. Aujourd’hui le premier des cinq livres dont se compose ce roman. (Le Presbytère, 2 vol. in-8o, 1839.)
  3. Le tout recueilli dans le volume, déjà cité, de Nouvelles et Mélanges. (Genève, 1840).