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triche a laissé subsister en partie ces formes de gouvernement. Elle a laissé également aux communes le vote de l’impôt, le choix et l’entretien des gardes de police dits I fazioni del quieto vivere, et l’élection des curés, au scrutin secret, par boules blanches et rouges. Son action puissante se fait néanmoins sentir ici comme ailleurs ; abdiquant pour la forme, elle est restée souveraine de fait, et, à vrai dire, la prétendue république des Sette Communi est plutôt un département autrichien qui s’administre à sa façon, qu’un état réellement indépendant.

Les citoyens des Sette Communi ont fait, du reste, preuve de bon sens en sacrifiant quelques-unes de leurs franchises. Ils ont senti par exemple que la justice rendue par eux et chez eux devait être insuffisante ou mauvaise ; leurs juges obéissaient en effet à des influences trop directes et trop continues pour rester libres et impartiaux ; les affaires sont donc portées devant des tribunaux d’appel étrangers au pays. C’est à Vicence que sont jugés en dernier ressort les procès que l’arbitrage des magistrats de la petite république n’a pu régler. Ces procès sont passablement nombreux, les citoyens des Sette Communi n’étant pas commerçans et propriétaires pour rien.

Ces braves montagnards n’ont pas renoncé si aisément à celui de leurs priviléges qu’ils regardent peut-être comme le plus précieux, à la contrebande. L’Autriche, sur ce chapitre, n’a pas voulu transiger. Ses soldats pourchassent vivement les récalcitrans jusque dans les états de la petite république qui laisse faire, se contentant de protester, en secret, contre cette attaque à des droits acquis.

Nous fîmes notre entrée dans Asiago, chef-lieu du pays, escortés par le détachement du commandant Leonardo, ayant passablement l’air de quelques-uns de ces aventureux industriels réprouvés par l’Autriche. Asiago, siége de la régence et honorée du titre de capitale du pays, compte environ quatre mille habitans. Cette petite ville a meilleure apparence que nous ne l’aurions supposé. Ses rues sont bien percées ; la pierre n’est pas rare dans les environs, et les habitans, maçons ou sculpteurs en bois la plupart, savent la tailler et la poser. Quelques-unes des maisons des notables sont même décorées avec une sorte d’élégance rustique qui se ressent du voisinage de l’Italie ; mais le principal ornement de la bourgade, c’est sa cathédrale dont la fondation remonte au XIe siècle. Le 27 mai 1395, cette église fut miraculeusement préservée d’un grand danger ; c’est une inscription latine, sellée dans le mur et soigneusement conservée, qui nous l’apprend. Quel fut ce danger ? L’inscription et les traditions