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REVUE MUSICALE.

Le Théâtre-Italien marche grands pas vers sa clôture ; encore quelques belles soirées, et l’Odéon fermera ses portes ; les représentations à bénéfice se succèdent, le public passe en revue les chefs-d’œuvre du répertoire ; déjà, de part et d’autre, on se fait ses adieux, tristes adieux en vérité, car, cette fois, c’est pour tout de bon qu’on se quitte, et d’irréparables brèches vont s’ouvrir dans le groupe mélodieux qui nous enchantait depuis tantôt dix ans. Rubini tout le premier, Rubini déserte la scène de ses triomphes. Que dire d’une semblable retraite, à moins d’en admirer l’énergie et le courage ? Rubini rompt avec le théâtre dans la force de l’âge, dans la plénitude de la voix et du talent. Laissons-le faire, n’en ayons pas trop de regrets ; le souvenir qui nous restera de l’illustre ténor n’en vaudra que mieux, et nous aurons pu l’admirer jusqu’à la fin. Lablache, lui aussi, se retire. Une crise sérieuse commence pour le Théâtre-Italien, bien des gens pensent que c’est son agonie ; franchement, nous ne le croyons pas. Si la saison de cette année a été moins heureuse que les campagnes précédentes, ce n’est ni à la lassitude, ni au caprice du public qu’il faut l’attribuer, mais bien à l’influence funeste du quartier, à l’éloignement de cette salle où nulle entreprise ne tente la fortune impunément. Le Théâtre-Italien ne périt pas en France, il se transforme, il se régénère ; combien de fois l’évènement n’a-t-il pas démenti d’une éclatante manière les sinistres prédictions de cette espèce ! Je ne parle point ici du temps de la Fodor et de la Pasta ; sans remonter aussi haut, n’avons-nous pas vu le dilettantisme s’émouvoir et perdre contenance à la seule idée d’une absence de la Sontag ou de la Malibran ? La Sontag a changé de condition, la Malibran est morte sans avoir jamais reparu sur notre scène. Le Théâtre-Italien a-t-il désespéré ? Non certes ; d’autres sont venus, Rubini, Lablache, Tamburini, la Grisi, qui depuis dix ans occupaient tout notre enthousiasme. À la période de Rossini et de la Malibran a succédé la période de Bellini et de Rubini : pourquoi maintenant de nouveaux chanteurs ne se formeraient-ils pas sous un maître nou-