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Je n’hésite point à me prononcer contre toute concession honorifique de ces titres. Elles sont contraires à l’esprit et aux principes de notre gouvernement. Depuis 1830, la législation a interdit tout titre de fonction séparé de la fonction elle-même ; cette interdiction a été prononcée notamment dans l’armée. Dans la magistrature, l’honorariat même n’est jamais accordé à qui n’a pas occupé l’emploi. Je conviens que la couronne a conservé peu de moyens de reconnaître les services rendus à l’état, et je comprends qu’on regrette la puissance qui accompagnait les nombreuses faveurs dont elle disposait autrefois ; mais ce n’était pas toujours aux bons services que ces faveurs arrivaient. Nos institutions et nos mœurs offrent d’autres récompenses à ceux qui servent l’état dans les fonctions publiques ou dans les carrières privées. L’on se trompe fort quand on croit reconstituer la puissance royale, telle que la rêvent certains esprits, en lui créant par surprise ou par abus des moyens d’influence. Ces prérogatives dérobées l’affaiblissent plus qu’elles ne la fortifient. N’est-il pas étrange d’attribuer le titre d’une fonction en dispensant, que dis-je ! en interdisant de l’exercer ? Donner ainsi le caractère public sans les devoirs qui le constituent, c’est confondre les situations, fausser les termes de la langue, tromper le public, et compromettre à la fois le titre en le prodiguant, et la fonction en faisant supposer qu’elle est confiée à qui souvent ne l’obtient point, parce qu’il ne saurait l’exercer. Pourquoi, si ce mode de rémunération était admis, ne pas l’appliquer à tout autre service public que le conseil d’état ? Qu’on nomme donc des préfets, des conseillers de cour, des premiers présidens en service extraordinaire. Chacun le trouverait absurde, et cependant où serait la différence ? Que les anciens membres du conseil d’état, investis de fonctions actives, soient autorisés à conserver leur titre en service extraordinaire, cette faculté est sans inconvéniens ; elle peut offrir certaines facilités ; elle a toujours été accordée, et je suis disposé, comme la commission et le gouvernement, à la maintenir ; mais toute autre qualification parasite doit être abolie.

Le service extraordinaire destiné à prendre part aux travaux du conseil d’état appartient à un autre ordre d’idées et se recommande par son incontestable utilité. Cette utilité diffère selon qu’il s’agit des affaires administratives ou des lois et règlemens d’administration publique. Quant aux premières, le service extraordinaire est établi pour donner au conseil d’état les renseignemens pratiques ; nécessaires à la discussion, et pour personnifier l’administration active auprès de l’administration délibérante ; dans la discussion des lois et règlemens,