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DES PARTIS EN FRANCE.

avons combattu et succombé. La question de dynastie viendra ensuite. Le plus important, le plus pressé, c’est de dompter la révolution et de sauver l’ordre social. »

Si les légitimistes eussent tenu ce langage, ils se fussent montrés dignes et conséquens. J’ajoute qu’à l’époque où l’émeute grondait périodiquement dans nos rues, ils eussent pu trouver, même au sein des classes moyennes fatiguées et découragées, une certaine sympathie. Dans ce temps où le culte du bien-être matériel semble avoir détrôné tous les autres, il est en effet plus d’une ame faible que les agitations de la liberté repoussent vers le despotisme ; il est plus d’un esprit timide ou étroit qui ne peut comprendre que la société dure au milieu d’une lutte de tous les jours. En se posant comme les représentans immuables du principe d’ordre dans toutes ses conséquences, les légitimistes avaient donc chance d’opérer quelques conversions et de faire certaines recrues. La conduite la plus digne était ainsi pour eux la plus utile, et le profit marchait de pair avec l’honneur.

Au lieu de cela, qu’ont fait les légitimistes ? Personne ne l’ignore. En trois jours, on les a vus passer de la censure à la liberté illimitée de la presse, du double vote au suffrage universel, des municipalités nommées par le roi et dénuées de toute initiative à des municipalités rivales du pouvoir central et presque souveraines, de la monarchie pure enfin à la monarchie républicaine ; et cette étrange, cette inconcevable gageure, voilà onze ans qu’ils la soutiennent sans plus d’hésitation que d’embarras !

Maintenant, je le demande, est-il possible de supposer que le parti légitimiste tout entier veuille long-temps encore s’associer à une pareille manœuvre, surtout quand, en définitive, elle a produit pour lui de si fâcheux résultats ? Le parti légitimiste, il doit le savoir lui-même, n’est plus aujourd’hui ce qu’il était au commencement de la révolution. Il y a dans ses rangs des hommes qui blâment hautement la politique qu’on lui a fait suivre. Il y en a d’autres qui ne s’étaient associés à ses espérances que parce qu’ils en croyaient la réalisation prochaine, et qui commencent à trouver que onze années de durée sont pour un gouvernement une épreuve et une sanction suffisante. Il y en a quelques-uns enfin qui, tout en restant fidèles à leur drapeau, pensent que c’est assez d’une génération, et conseillent eux-mêmes à leurs enfans de ne pas les imiter. Ce sont là des symptômes qui décèlent au sein du parti légitimiste une crise imminente, si elle n’est déjà commencée. Sans doute, à moins d’un évènement qui le