Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/504

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
500
REVUE DES DEUX MONDES.

de former une majorité et de gouverner le pays. Prenant ensuite l’idée de transaction à son origine, je l’ai suivie dans ses développemens, et j’ai montré que, toujours en progrès depuis 1836, tout le monde l’a successivement embrassée, même ceux qui s’en montrent le moins épris. Puis j’ai discuté cette idée elle-même, et indiqué quelles pourraient être les bases, les chances, les avantages de la transaction. Mais, à mon sens, il y a toujours quelque chose qui domine cette discussion, la nécessité absolue, impérieuse, de sortir de l’état actuel. Je suis loin d’être pessimiste, et je crois fermement à l’avenir de nos institutions. Comment pourtant, si elles devaient toujours être comprises et pratiquées comme depuis quelques années, se défendre du scepticisme et du découragement ? Qu’est-ce que des hommes d’état qui démentent aujourd’hui leurs paroles d’hier, et qui démentiront demain celles d’aujourd’hui, pour peu qu’ils y trouvent quelque profit ? Qu’est-ce que des associations politiques qui se forment et se dissolvent tous les six mois, au gré de quelques vanités ou de quelques rancunes personnelles ? Qu’est-ce que des chambres qui ont des ministres pour toutes les causes et des majorités pour tous les ministères ? Sans doute, cela vaut mieux que le gouvernement absolu, puisqu’il reste la liberté de la tribune et la liberté de la presse, ces deux puissantes garanties ; mais ce n’est pourtant pas là le gouvernement représentatif comme nous l’avons conçu et tel qu’il existe ailleurs. Serait-il vrai que le gouvernement représentatif ne puisse exister et fleurir que dans les pays où règne une riche et puissante aristocratie ? Serait-il vrai que nos fortunes médiocres, nos occupations nécessaires, notre besoin si vif, si général, d’emplois publics salariés, nos mœurs démocratiques en un mot, soient un obstacle invincible à toute persévérance, à tout désintéressement, à toute grandeur dans nos résolutions ? Je refuse de le croire, et, quand je me sens ébranlé, je me rassure en pensant que l’aristocratie anglaise a mis plus de cent ans à constituer l’admirable gouvernement dont elle s’enorgueillit aujourd’hui. Cependant il est temps d’y songer et de travailler à former une majorité qui soit unie dans ses élémens, ferme dans son avis, persévérante dans sa conduite. Persuadons-nous-en bien : tant que cette majorité n’existera pas, toutes nos discussions sur le rôle que doit jouer chacun des grands pouvoirs dans la monarchie parlementaire seront une pure logomachie, et le pouvoir parlementaire ne sera rien. C’est donc pour tous les amis de ce pouvoir une question vitale, une question de beaucoup supérieure à toutes leurs petites querelles. Ceux qui ne le