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LE CONSEIL D’ÉTAT.

bres à témoigner l’importance qu’elles lui attribuent ; la loi doit s’en rapporter au gouvernement.

Mais elle ne peut lui laisser la même latitude pour les règlemens d’administration publique. Il s’agit là, non plus d’un travail purement préparatoire soumis à une discussion ultérieure et subordonné au vote des deux chambres, mais d’une espèce de loi, de dispositions exécutoires par elles-mêmes et sanctionnées par des pénalités. Le pouvoir exécutif, quand il fait les règlemens d’administration publique, est substitué au législateur. L’exercice d’un mandat si grave ne peut être accompagné de trop de soins, de trop de précautions. Que le gouvernement soit maître de la décision à prendre, sa responsabilité le veut ; mais qu’il soit tenu de rassembler toutes les lumières propres à le guider, le respect des droits privés ne l’exige pas moins, et l’on a vu combien le conseil d’état est capable de répondre à cet impérieux besoin.

Pour tous les autres actes, les lois de chaque matière déterminent les cas dans lesquels les ministres doivent nécessairement prendre son avis ; le gouvernement pourra lui-même dans ses règlemens s’imposer cette obligation. La loi du conseil d’état ne saurait énumérer tous les cas ; elle se borne par une formule générale à consacrer la nécessité d’un appel au conseil d’état toutes les fois que des dispositions législatives ou réglementaires l’auront prescrit.


Ces règles diverses découlent naturellement du rôle départi au conseil d’état dans le gouvernement, mais elles ne concernent que les affaires administratives proprement dites ; d’autres sont appliquées aux affaires du contentieux administratif. Pour celles-ci, l’intervention du conseil d’état n’a lieu que dans des cas restreints et déterminés hors desquels il a le droit et le devoir de s’abstenir ; elle peut être invoquée directement par les citoyens ; le conseil d’état ne doit se prononcer que sur les conclusions même qui lui sont présentées, et il procède publiquement. Quant à la valeur des avis qu’il donne, un dissentiment que j’ai déjà mentionné divise les meilleurs esprits. Ces avis seront-ils obligatoires ou simplement consultatifs pour le gouvernement ? En d’autres ternes, le conseil d’état exercera-t-il une juridiction, ou ne remplira-t-il que les fonctions de simple conseil ? Tel est le sujet d’une controverse dont, sur ce simple énoncé, il est facile de mesurer la portée.

Les publicistes et les jurisconsultes sont partagés : les organes du gouvernement l’ont été eux-mêmes ; mais, chose remarquable, quoi-