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DES AUTEURS ESPAGNOLS CONTEMPORAINS.

très beaux vers, regardés aujourd’hui comme des modèles, mais dont l’oreille étrangère admire plutôt la facture érudite et habile, qu’il n’en peut reconnaître la soudaine et naïve inspiration. À cette ancienne école il faut aussi rattacher les poètes Moratin, Arriaza, Burgos, Gil y Zarate, et même Martinez de la Rosa, plus jeune qu’eux. Arriaza, né à Madrid en 1770, nous semble le vrai poète espagnol de ces derniers temps ; il n’a point voulu parer la décadence de la muse nationale par un costume emprunté à Walter Scott ou à Byron. Il chante ses amours avec une désinvolture languissante et gracieuse, qui manque quelquefois de force, de correction ou de concision, mais non de charme. On a imprimé cinq fois ses poésies, et cela ne peut étonner. Il est tout-à-fait d’accord avec les goûts de cette haute société espagnole plus occupée de ses plaisirs que de ses intérêts, et plus éloignée que l’on ne pense des passions politiques que les journaux lui attribuent :

Entre los roncos clamores
De gente que atribulada
Ante sus ojos la espada
De la muerte ven lucir,
Yo haré que de mis amores
Tan negro horror se despida ;
Y : ¡ à dios, Silvia de mi vida !
Se oirà en los vientos gemir
[1].

Don Xavier de Burgos, né à Motril le 22 octobre 1778, poète, dramaturge, publiciste et administrateur, battu comme la plupart de ses concitoyens des flots orageux de ces révolutions espagnoles qui se succèdent comme des vagues, s’est surtout fait connaître dans les lettres par une comédie de mœurs spirituellement écrite, le Bal masqué. Musso y Valiente, né à Lorca en 1785, historien, poète et publiciste, auteur d’excellentes réflexions sur la formation des idiomes et sur l’influence exercée par le génie spécial des peuples ; don Thomas-José Gonzalez Carvajal, né en 1753, à Séville, traducteur des psaumes ; don Juan-Nicasio Gallego, né à Zamora en 1777, poète remarquable surtout par la connaissance du rhythme et l’éclat sonore de la versification ; don José-Joaquin Mora, né à Cadix en 1783,

  1. « Parmi les rauques clameurs de ceux qui voient briller à leurs yeux le glaive effroyable de la mort, je saurai dégager de ces tristes pensées celle de mon amour, et ces mots : Adieu, mon amante et ma vie ! gémiront au loin dans les airs. » — (La Despedida de Silvia.)