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ESPAGNE.


Donc, sans prendre à lui plaire une peine perdue,
Ne fais pas d’escalier à ta pensée ardue :
Une rampe aux boiteux ne rend pas le pied sûr ;
Que le pic solitaire escalade l’azur,
L’aigle saura l’atteindre avec un seul coup d’aile,
Et posera son pied sur la neige éternelle,
La neige immaculée, au pur reflet d’argent,
Pour que Dieu, dans son œuvre allant et voyageant,
Comprenne que toujours on fréquente les cimes
Et qu’on monte au sommet des poèmes sublimes.

(Sierra-Nevada.)


SÉRÉNADE.

Sur le balcon, où tu te penches,
Je veux monter, efforts perdus !
Il est trop haut, et tes mains blanches
N’atteignent pas mes bras tendus.

Pour déjouer ta duègne avare,
Jette un collier, un ruban d’or,
Ou, des cordes de ta guitare,
Tresse une échelle, ou bien encor…

Ote tes fleurs, défais ton peigne,
Penche sur moi tes cheveux longs,
Torrent de jais, dont le flot baigne
Ta jambe ronde et tes talons.

Aidé par cette échelle étrange,
Légèrement je gravirai,
Et jusqu’au ciel, sans être un ange,
Dans les parfums je monterai !

(Grenade.)