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former une juste idée et du bien qu’on vient d’accomplir et du bien qu’il reste à faire.

Ainsi, il y a dix ans, sur 37,295 communes, 23,000 seulement avaient une école : en 1837, le nombre des communes pourvues d’école était de 29,613 ; en 1840, de 33,099. M. Villemain indique nettement les obstacles divers que les hommes et les choses opposent à une plus rapide propagation de l’instruction primaire. Toutefois, dès aujourd’hui, cette instruction est mise à la portée de 3 millions d’enfans ; c’est 1 million 912,339 enfans de plus qu’il y a dix ans. Encore quelques efforts, et l’enseignement primaire sera répandu sur tous les points du royaume et accessible à tous. « Bien des pères de famille, dit le ministre, n’envoient aujourd’hui leurs enfans aux écoles que parce qu’ils y sont sollicités soit par l’exemple, soit par les invitations réitérées des personnes préposées à la surveillance de l’instruction primaire. Beaucoup n’attachent aucun prix à une instruction dont ils sont eux-mêmes dépourvus ; il n’en sera pas ainsi de la génération qui se forme sous nos yeux, et qui voudra un jour transmettre à ses enfans le bienfait de l’instruction qu’elle aura reçue. Ainsi la fréquentation des écoles, sans être rendue obligatoire, comme l’ont demandé quelques conseils généraux de départemens, deviendra générale, et entrera de plus en plus dans les mœurs publiques. Cette perspective, qui n’est pas éloignée, n’offre assurément qu’un sujet de satisfaction sérieuse aux hommes qui se préoccupent le plus vivement de l’avenir de notre patrie. Fondée par la loi même sur la religion et la morale, l’instruction primaire ne peut que fortifier dans les cœurs le sentiment du devoir, les pures affections de famille, le dévouement au prince et aux lois du pays. Sagement dirigée, et appliquée surtout à répandre les connaissances indispensables, loin de jeter dans les classes ouvrières le dédain de leur profession, elle leur donne le désir et le moyen de s’y distinguer, et d’en sortir quelquefois par une supériorité de mérite, et non par ces agitations que la morale réprouve et que la loi condamne. »

Ce passage met en lumière les vues sages et libérales qui dirigent M. Villemain dans sa noble mission. Il ne redoute pas l’instruction des masses, il connaît tout le bien qu’on doit en attendre, il sait que l’homme d’état doit y trouver un sujet de satisfaction sérieuse. Certes l’argument d’autorité ne pourrait être plus fort pour ceux qui ne cèdent qu’à ce moyen de persuasion. Les trois hommes éminens qui ont présidé, chez nous, à l’instruction publique depuis 1833, M. Guizot, M. Cousin, M. Villemain, ont été du même avis sur ce point capital, et l’instruction primaire a été l’objet constant de leurs efforts et de leurs plus vives sollicitudes.

« Depuis cinq ans, plus de 30 millions ont été employés en acquisitions ou en constructions de maisons d’école. De nombreux projets sont en ce moment présentés dans le même but, on peut en évaluer la dépense à 19 millions. »

Mais quelque importantes que soient les améliorations matérielles, ce point de vue n’est que secondaire. « Le but sérieux et grand auquel tout doit con-