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rent même dans Muyden[1]. Cette place était la clé des écluses, dont les eaux devenaient la seule défense de la république, et ses canons battaient les vaisseaux dans la rade d’Amsterdam. Le marquis de Rochefort envoya dans Muyden un détachement qui aurait été assez fort pour s’y maintenir, mais le prince d’Orange venait d’y faire pénétrer une nombreuse garnison[2]. Obligé de se replier, après avoir laissé quelques troupes dans les villes qu’il avait traversées, le marquis de Rochefort revint sur Utrecht, que le prince d’Orange avait évacué le 17 juin, et y ayant été joint le 22 par un renfort de deux mille deux cents chevaux, il occupa cette ville le 23, et se porta vers le sud jusqu’à Montfoort et Woerden, dont il se rendit maître.

Tandis que Louis XIV, Turenne et le marquis de Rochefort s’emparaient des provinces de Gueldre, d’Utrecht, et entamaient la province de Hollande, les troupes combinées du duc de Luxembourg, de l’électeur de Cologne et de l’évêque de Munster avaient envahi le pays d’Over-Yssel. Elles avaient pris Grooll, Deventer, Campen, Zwoll, Groningue et presque toutes les places considérables de cette contrée[3]. La république des Provinces-Unies, déjà dépouillée de la moitié septentrionale de son territoire, paraissait perdue. Le prince d’Orange avait été rappelé en toute hâte par les États-Généraux pour couvrir, avec sa petite armée, la province de Hollande, où siégeait le gouvernement, où se conservait le dernier espoir de l’indépendance, et qui tremblait à l’approche de l’invasion. Il divisa ses troupes en cinq corps pour occuper les passages principaux qui conduisaient dans l’intérieur de la Hollande. Réparant la faute qu’on avait faite de ne pas garder les écluses, faute dont les Français avaient si mal profité, il avait envoyé un de ces corps à Muyden, sous le prince Maurice de Nassau, qui s’y fortifia. Il en plaça un autre, commandé par le comte de Hoornes, à Niewersluys, sur le Wecht, en dessous d’Utrecht. Il posta le troisième sous le marquis de Louvigny, à Schoonhoven, sur le Leck, et le quatrième sous le général Wurtz, à Gorcum, sur le Vhaal. Lui-même, à la tête du dernier, il s’établit un peu plus en

  1. Histoire de Turenne, t. I, p. 459. — Cerisier, Histoire générale des Provinces Unies, t. VII, p. 251.
  2. Œuvres de Louis XIV, t. III, p. 217. — Basnage, Annales des Provinces-Unies, t. II, p. 236
  3. Manuscrit no XXVI, p. 117 du liv. XX de l’Histoire inédite de M. de Wicquefort. — Histoire de Turenne, t. I, p. 453. — Cerisier, Histoire générale des Provinces-Unies, t. VII, p. 252.