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prince d’Orange lui-même du serment qu’il avait prêté de ne jamais accepter le stathoudérat, et l’investirent du titre et du pouvoir qu’avaient possédés ses ancêtres. Le prince ne se contenta point de cette dispense civile et il réclama une dispense religieuse. Deux ministres protestans le délièrent de son serment dans toutes les formes, et son ambition rassurée se donna alors un libre cours[1].

Tous les magistrats signèrent la révocation de l’édit perpétuel, qui fut portée à Corneille de Witt pour qu’il y donnât son adhésion. Mais le ruard de Putten, toujours malade et toujours courageux, répondit qu’on ne lui ferait pas violer le serment qu’il avait prêté aux États, et dont personne n’avait le droit de le dispenser. Le peuple grondait autour de sa maison, et les députés représentèrent au ruard qu’il y avait tout à craindre pour lui s’il ne cédait pas. Mais il leur répondit qu’il avait naguère entendu siffler les boulets à ses oreilles, et qu’il ne redoutait point les cris d’un peuple qui, après tout, n’avait que le pouvoir de le tuer. Il demeura inflexible. Sa femme, accourue auprès de lui avec ses enfans, le conjura alors en pleurant de ne pas se perdre par un refus inutile. Le ruard résista d’abord à ses supplications et à ses larmes. Mais, enfin, se laissant toucher par elles, il signa l’acte de révocation, en ajoutant à son nom les lettres V. C. (vi coactus), que le peuple, instruit par un ministre de leur signification, le força encore d’effacer[2]. Une fois la révolution commencée dans les villes, elle ne s’arrêta plus. Elle éclata à Rotterdam, à Gouda, à Haarlem, à Delft, à Amsterdam, et enfin à La Haye, où le peuple obligea les États de Hollande à la sanctionner[3].

Ce fut dans la nuit du 1er au 2 juillet que fut adoptée cette grande résolution par l’assemblée des États. Chacun était décidé à la prendre, mais personne n’osait la proposer. L’édit perpétuel, que tous les membres des États avaient juré de ne pas enfreindre, ne leur interdisait pas seulement de rétablir le stathoudérat, mais les obligeait à ne jamais proposer la révocation de cette nouvelle loi fondamentale

  1. Manuscrit no XXVI, p. 13-19, du liv. XXI de l’Histoire inédite de Wicquefort. — Basnage, Annales, etc., t. II, p. 284-285. — Cerisier, Histoire générale, etc., t. VII, p. 328-332.
  2. Samson, Histoire de Guillaume III, t. II, p. 273-274 — Histoire de Corneille et de Jean de Witt, t. II, p. 448-449. — Cerisier, Histoire générale, etc., t. VII, p. 333-334. — Basnage, Annales, etc., t. II, p. 285-286.
  3. Manuscrit no XXVI, p. 21 du livre XXI de l’Histoire inédite de Wicquefort. — Cerisier, Histoire générale, etc., t. VII, p. 335-340. — Basnage, Annales, etc., t. II, p. 286-287.