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chain pour la préserver d’un danger éloigné ; que, si elle n’était pas brisée par la redoutable puissance qui allait fondre sur elle, il périrait infailliblement lui-même avec son parti, et que le stathoudérat, institution des temps de crainte et de guerre, s’élèverait de nouveau sur les ruines de ses propres établissemens. C’est ce qui arriva d’une manière si fatale et si cruelle. Ce citoyen pur et grand, et son frère non moins admirable que lui, rendus responsables des revers publics, tombèrent victimes de l’ingratitude d’un peuple qu’ils avaient sagement gouverné ou glorieusement défendu.

Heureusement les Provinces-Unies trouvèrent alors dans le prince d’Orange un homme supérieur, dont les qualités n’étaient pas au-dessous de leurs périls. Jean de Witt l’avait fait élever avec soin, afin qu’il pût servir dignement sa patrie, si les évènemens ou la faveur populaire le donnaient un jour pour chef à la république. Quoique à peine âgé de vingt-deux ans, il était instruit, froid, réfléchi, pénétrant, et avait une maturité de jugement qui précédait en lui l’expérience. Il possédait la valeur, l’ambition et l’opiniâtreté de ses ancêtres. Profondément dissimulé, d’une patience à toute épreuve, incapable de fatigue et de découragement, il n’avait besoin ni d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. Successeur de Guillaume et de Maurice de Nassau, qui avaient fondé l’indépendance des Provinces-Unies contre l’Espagne, il devait maintenant la rétablir contre la France. Il accepta cette noble et difficile tâche avec résolution, et l’accomplit avec succès.

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