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bombardement et la destruction d’Alexandrie. La latitude effrayante que lord Palmerston proposait de donner aux amiraux, n’avait pas d’autre but. Il fallait cependant rassurer la France, qui pouvait craindre que les Russes n’arrivassent à Constantinople pendant que les escadres combinées seraient occupées devant Alexandrie. Pour aller au devant de l’objection, lord Palmerston ajoutait dans ses instructions supplémentaires :

« Si, au moment où les amiraux recevront ces instructions, des circonstances survenaient, qui rendissent la présence de la flotte combinée immédiatement nécessaire aux Dardanelles, dans la mer de Marmara ou dans le Bosphore, les amiraux ajourneraient l’exécution des instructions jusqu’au moment où un service plus urgent aurait été accompli. Et si, pendant qu’ils exécuteront leurs instructions, ils trouvaient que l’occupation de Constantinople par une force russe ou que toute autre circonstance, rendît dangereux l’envoi à Constantinople des vaisseaux égyptiens ou turcs dont ils se seraient emparés à Alexandrie, ils sont autorisés, en ce cas, à les diriger, pour leur sûreté, sur tout autre port de la Turquie. »

C’est pour le coup que l’on pouvait dire, avec raison, que l’Angleterre prenait bien facilement son parti de l’occupation de Constantinople par les Russes, et qu’elle détournait volontairement les yeux du danger réel, pour courir après l’objet de sa passion. Pendant que les flottes de l’Occident auraient dirigé leurs canons contre l’arsenal d’Alexandrie, les Russes pouvaient s’emparer des Dardanelles, les fortifier, les défendre, et empêcher ainsi que la France et l’Angleterre prissent part au règlement de l’Orient. En face de cette redoutable éventualité, que décide lord Palmerston ? Il se borne à conseiller de diriger les vaisseaux capturés sur un autre port de la Turquie. Après avoir écarté du chemin des Russes le seul obstacle qu’ils pussent craindre, le ministre anglais se résigne à leurs usurpations. Qu’aurait pu faire de mieux lord Palmerston, si le traité de Londres eût déjà été signé ?

La dépêche du 3 août fit cesser pour un temps les illusions du cabinet français, et la réponse du maréchal Soult ne manque pas de fermeté :

« Je crains que le cabinet britannique, sous la première impression des fâcheuses nouvelles arrivées d’Alexandrie, ne se soit pas rendu suffisamment compte de l’ensemble de la situation. Les hostilités sont évidemment terminées en Orient. Ni par terre ni par mer, personne n’annonce en ce moment l’intention de les continuer ou plutôt de les reprendre. D’un côté, on n’en a plus les moyens, à supposer, ce qui est douteux, qu’on en eût la volonté ; de l’autre, on n’y a aucun intérêt, et l’on sait assez qu’on ne pourrait le faire sans s’ex-