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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

Méhémet-Ali à celle du sultan, et il serait plus sage pour les puissances de l’Europe de permettre à Méhémet-Ali de marcher avec son armée et de faire voile avec sa flotte vers Constantinople, de déposer le sultan, de se mettre à sa place, que de suivre la politique à laquelle je fais allusion ; car, dans ce cas, la dynastie serait changée, mais l’empire resterait debout. »

On apprit à Londres, vers les premiers jours de décembre[1], que M. de Nesselrode acceptait les propositions de l’Angleterre, et que M. de Brunnow ne tarderait pas à venir presser lui-même la conclusion de l’arrangement. À peine cette nouvelle est-elle connue de lord Palmerston, que, ne croyant plus avoir de ménagemens à garder, il commence à chercher querelle à la France. Déjà l’ambassadeur français à Constantinople se trouvait isolé et surveillé par ses collègues, on avait organisé une espèce d’espionnage autour de lui, dont les rapports percent jusque dans les dépêches officielles de M. de Stürmer, de M. de Kœnigsmark et de lord Ponsonby. L’ambassadeur britannique avait même dénoncé l’amiral Lalande comme complice de la défection du capitan-pacha, accusation stupide, et que réfutait suffisamment le caractère de l’homme dont on osait mettre la loyauté en suspicion.

Mais, à partir du jour où l’entente est certaine entre l’Angleterre et la Russie, le procès intenté à la France prend d’autres proportions. Le cabinet de Londres, qui se félicitait, au mois de mai 1839 (dépêches de lord Granville), de voir le gouvernement français augmenter ses forces navales dans la Méditerranée, et qui avait peut-être provoqué cet accroissement, commence, au mois de décembre, à s’en plaindre et à s’en alarmer. Dans une dépêche adressée à lord

  1. « L’empereur, appréciant toute la gravité des considérations que lord Palmerston a fait valoir, dans la vue de nous démontrer la nécessité où était l’Angleterre d’insister sur la coopération d’une partie de ses forces navales, dans le cas où un péril imminent forcerait la Porte ottomane à avoir recours à l’intervention militaire de la Russie, sa majesté impériale est disposée à adhérer sous ce rapport au vœu que le cabinet de Londres lui a fait manifester, et à admettre, si l’hypothèse dont nous avons fait mention venait à se réaliser, que le pavillon de chacune des puissances qui voudront participer à l’action commune, soit représenté par l’envoi de quelques bâtimens, afin de constater par là qu’elles ont toutes concouru à la défense et à la protection de la capitale de l’empire ottoman. Un arrangement spécial devra fixer le nombre de ces vaisseaux et indiquer les parages où ils devront croiser dans la mer de Marmara, près des Dardanelles, de manière à prévenir tout contact avec les forces russes destinées à mettre Constantinople à l’abri de toute attaque du côté du Bosphore. » (M. de Nesselrode à M. de Kisseleff, Saint-Pétersbourg, 22 novembre 1839. Communiqué le 5 décembre à lord Palmerston.)