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DE LA POLITIQUE DE LA FRANCE EN ITALIE.

prendra ombrage ; c’est le droit de la France, c’est le prix des sacrifices qu’elle a faits au repos de l’Europe, sacrifices dont elle ne se repent pas, mais dont elle connaît la valeur, et qui se sont assez souvent répétés dans ces derniers temps.

L’action de la France ainsi définie et comprise, examinons rapidement quelles sont nos chances de succès dans les états les plus importans de l’Italie, et commençons par ceux du roi de Sardaigne.

La Savoie et le comté de Nice ont été occupés par les armées françaises dès l’année 93. Le Piémont, proprement dit, ne le fut que plus tard ; après la bataille de Marengo, il composa plusieurs départemens français. Ainsi nos mœurs et nos lois régnèrent plus long-temps dans cette partie de l’Italie que partout ailleurs et durent y laisser des traces plus profondes. Cependant nulle réaction ne fut, sinon plus violente, du moins plus complète que celle qui s’opéra en Piémont en 1814. Détruire tout ce qui s’était fait pendant son absence, rétablir toutes choses exactement comme elles étaient au moment de son départ, tel fut le système bien simple que suivit le roi Victor-Amédée, à peine débarqué de Sardaigne. Les lois civiles françaises continuèrent à régir le petit état de Gênes, qui s’était ménagé cette faveur au congrès de Vienne, comme une condition de la réunion ; mais le Piémont et la Savoie durent reprendre leurs anciennes lois et coutumes, à moitié oubliées, et qui n’avaient de commun entre elles que leur extrême confusion. L’ancien almanach royal de la cour de Turin en 98, tel était, à la lettre, le code nouveau que la dynastie restaurée rapportait à ses peuples. On se raconte encore en secret à Turin les brevets de pages et de sous-lieutenans envoyés à de vieux officiers qui avaient fait les guerres de l’empire et la retraite de Moscou, le rétablissement d’un poste de douanes et de péage à l’ancien passage qui avait servi de communication avec la France, et qui avait été abandonné après la construction de la route nouvelle du mont Cenis, le danger que coururent des établissemens utiles et tout-à-fait étrangers à la politique, mais dont les dénominations modernes et scientifiques avaient mal sonné aux oreilles du vieux roi. Ainsi reconstitué, l’état intérieur du Piémont ne changea pas, et fut paisiblement gouverné, après Victor-Amédée, par son frère, le roi Charles-Félix, qui mourut peu de temps après la révolution de juillet. Alors monta sur le trône le roi Charles-Albert, prince de Carignan. Il avait été compromis, sous ce nom, dans les troubles libéraux de 1821. Il avait dû à l’intervention de la France, combattue par le mauvais vouloir de l’Autriche, qui mettait alors en avant le duc de