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ils n’étaient au contraire que les seconds de deux grands partis nationaux qui se faisaient la guerre. L’avènement d’une dynastie napoléonienne, quelle que soit l’opinion qu’on se forme du caractère des deux souverains qui portèrent cette couronne, ne fut point une mauvaise fortune pour Naples. Le roi Joachim Murat y a laissé des souvenirs qui prouvent que les qualités brillantes et les dehors pompeux du héros méridional avaient fait impression sur les imaginations de ses sujets. Toutefois, les lois et les institutions civiles, l’ensemble de l’administration française transportés avec eux et appliqués pendant une période de dix ans, voilà les vrais bienfaits de ces souverains momentanés. Ce qui fait la position particulière du royaume de Naples en Italie, son honneur aujourd’hui, ce qui fera peut-être sa force un jour, c’est d’avoir conservé cette précieuse acquisition. Tandis que partout ailleurs on repoussait en bloc l’héritage d’un régime dont on aurait voulu effacer jusqu’au souvenir, les conseillers mieux avisés de la dynastie napolitaine surent discerner le mérite des rouages modernes, et conçurent la pensée d’en appliquer la puissance à la politique nouvelle qu’ils allaient pratiquer. Avec les règles de l’administration française furent préservés les codes français, modifiés seulement dans quelques-unes de leurs parties, principalement dans les articles qui regardaient le jury, le divorce, le partage des successions, les actes de l’état civil, l’inamovibilité des juges, qui ne fut point posée en principe, la juridiction des délits correctionnels. Quelques changemens, plutôt heureux, furent faits aussi au code pénal. Ainsi les formes survivaient encore quand le fond avait disparu. Elles eurent immédiatement pour effet, par la seule vertu qui est en elles, d’empêcher bien des abus, et de maintenir l’ordre et la régularité là où il n’y avait pas de passions trop vives intéressées à les violer. Aujourd’hui l’organisation napolitaine est devenue à peu près ce qu’était la nôtre sous l’empire. Les mêmes choses s’y retrouvent avec un peu moins de réalité, sous des noms quelquefois différens, quelquefois les mêmes. Il y a des ministres secrétaires d’état avec les mêmes titres et les mêmes attributions que les nôtres, des délégués de province qui font l’office des préfets, des sous-délégués qui sont nos sous-préfets. Les communes ont leurs conseillers municipaux, les provinces leurs conseillers provinciaux ; enfin au sommet de cet édifice d’institutions modernes est placé un véritable conseil d’état qui réunit les mêmes fonctions que le nôtre. Ce conseil se compose de personnes d’opinions diverses, dont quelques-unes sont éminentes par leur savoir. Il est depuis peu présidé par un homme expérimenté