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hémet-Ali, si elles n’entretenaient pas depuis sept ans des agens diplomatiques auprès de lui, et si elles n’avaient pas pris des engagemens à son égard par la convention de Kutaya. D’ailleurs, le traité de juillet admet en principe la convenance, la nécessité même de notifier à Méhémet-Ali les mesures arrêtées contre lui, puisqu’il donne au pacha vingt jours de délai pour réfléchir aux conditions qui lui sont offertes. N’était-il pas absurde cependant de signifier à Méhémet-Ali une partie des stipulations du traité, si l’on devait lui cacher les autres ? Était-il bien conforme à la loyauté d’entamer, sans une sommation préalable, certaines mesures coercitives, tandis que certaines autres donnaient lieu à cette sommation ?

En dépit des forfanteries que renferme la correspondance de lord Palmerston, on s’aperçoit que toutes ces violences s’inspirent encore moins de l’injustice que de la peur. Les signataires du traité craignaient la résistance de la France, et s’efforçaient d’achever leur œuvre avant que cette résistance devînt possible. Ils voulaient bien humilier et isoler la France ; mais ils ne voulaient pas la réveiller ni avoir à la combattre, ou bien ils espéraient lui présenter à son réveil la coupe amère des faits accomplis. Voilà pourquoi lord Palmerston lançait, dès le jour même de la signature du traité, ses courriers sur le chemin de toutes les capitales, et ses bateaux à vapeur sur toutes les mers.

La nouvelle du traité fut reçue à Pétersbourg et à Berlin avec de grandes démonstrations de joie. M. de Metternich, plus prudent ou moins convaincu, dissimula ses impressions. Voici l’accusé de réception de M. de Nesselrode :

« Je n’ai pas voulu différer d’un instant à vous faire connaître l’approbation dont sa majesté l’empereur a daigné honorer les derniers actes de votre importante négociation. J’ai beaucoup craint que, tandis que vous arrêtiez à Londres avec lord Palmerston des déterminations si énergiques et si honorables pour l’intervention des quatre puissances, un arrangement direct n’eût lieu entre la Porte et Méhémet-Ali. Heureusement il n’en est rien. D’autre part, l’insurrection en Syrie devient chaque jour plus sérieuse. Pourvu que maintenant la flotte anglaise apparaisse bientôt sur les côtes de la Syrie, nous pourrons nous flatter que notre but sera atteint avec moins de dangers que nous ne l’avions déjà pensé. » (M. de Nesselrode à M. de Brunnow, 4 août.)

Après cette lettre, on lira encore avec intérêt le récit hypocrite que fait lord William Russel des sentimens exprimés par la cour de Berlin.