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Écoutez-le cependant : il ne désire pas la guerre, et son vœu le plus ardent, c’est que l’occasion d’employer ces forces importantes ne se présente pas. Satisfait d’avoir mis l’Angleterre aux prises avec la France, et comptant sur lord Palmerston pour pousser la querelle aussi loin qu’elle peut aller, la diplomatie moscovite disparaît en quelque sorte de la scène. Après avoir allumé l’incendie, elle le contemple, et, comme Néron devant Rome en cendres, elle jouit de ce funeste embrasement.

« Le comte Pahlen rapporte que le gouvernement russe est considéré à Paris comme l’instigateur de cette conspiration contre la France, car c’est le nom que l’on donne au traité ; que la Russie voit retomber sur elle la plus grande part de la haine dont les alliés sont l’objet, et qu’il pense que la plus sage conduite à tenir, pour lui, est de rester, autant que possible, étranger à toute discussion sur cette question. » (M. Bloomfield au vicomte Palmerston ; Pétersbourg, 7 août 1840.)

Cette conduite de M. de Pahlen, qui était certainement la conséquence des instructions qu’il avait reçues, renvoyait décidément au cabinet anglais le généralat de la coalition. Si lord Palmerston eût désiré sincèrement éviter un malentendu, une rupture avec la France, il n’aurait pas accepté ce dangereux honneur. Il est des questions qu’un gouvernement ne peut discuter qu’avec ses adversaires déclarés ; un combat d’influence entamé par l’Angleterre avec nous et au nom des autres puissances devait nous paraître une trahison. La Russie ne nous avait jamais donné que des preuves de mauvais vouloir ; elle suivait sa politique séculaire en organisant la conspiration du 15 juillet. Mais l’Angleterre, en signant ce traité, manquait à une alliance étroite qui avait la double sanction des principes et du temps. Toute discussion ouverte avec le cabinet de Londres sur le traité du 15 juillet se compliquait donc d’une question de procédé, ce qu’il était du devoir des puissances d’éviter.

Lord Palmerston se saisit avec ardeur de ce rôle qui lui convenait moins qu’à tout autre ; il prit sur lui l’odieux de cette responsabilité que les diplomates russes avaient déclinée. Ce sera désormais notre antagoniste direct, et, pour emprunter la forme grecque, le protagoniste du drame européen. Autant qu’il est possible d’en juger par des documens qui ne renferment pas les pièces confidentielles et qui ne donnent souvent les dépêches officielles que par extraits, voici quel fut son plan d’action.

Avant la signature du traité de Londres, lord Palmerston avait