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bats de gladiateurs avait fait inventer une espèce de suicide à deux. Déterminés à périr, deux amis se battaient l’un contre l’autre ; acteurs et spectateurs à la fois, c’était un dernier plaisir qu’ils se donnaient. Tel fut le genre de mort que choisirent Marius et Télésinus. Le Romain, plus adroit escrimeur, tua le Samnite, et, blessé lui-même, se fit achever par un esclave. Eux morts, la ville ouvrit ses portes. »

Et après avoir exposé les conséquences de cette bataille de Rome, où la nationalité italienne périt, et où Rome en même temps épuisa son reste de vigueur et de défense, comme patrie distincte, l’historien résume le tout en cette forte image : « Le duel de Marius et de Télésinus fut comme un présage des destinées de l’Italie. Le Romain tua le Samnite, puis tomba expirant sur le cadavre du guerrier qu’il venait d’abattre. Ainsi l’Italie est morte ; mais Rome, frappée au cœur, ne devait pas lui survivre long-temps. »

Parmi les figures qu’il rencontrait au premier plan, il en est deux que M. Mérimée n’a pu négliger : Marius et Sylla, en effet, ressortent de maint passage dans tout leur relief et toute leur empreinte. Énergie, grandeur, grossièreté, vices et bassesse, ces traits en eux de la nature romaine corrompue, sont envisagés d’un coup-d’œil ferme et recueillis dans une parole en quelque sorte latine elle-même, sobre, positive, et qui n’ajoute rien de moderne aux choses. Je ne répondrais pas pourtant que, dans la dernière vue sur Sylla abdiquant et mourant, il n’y ait un coin de perspective à travers lord Byron. Quoi qu’il en soit, cette fin éloquente et majestueuse de ton aspire dignement à rejoindre le dialogue de Montesquieu.

Elle est immédiatement précédée d’une digression approfondie sur la réforme politique du dictateur, et sur l’état probable où il trouva les comices ou assemblées du peuple. Dans un récit destiné au public, on pourrait désirer que quelques-unes de ces pages fussent détachées du texte qu’elles ralentissent, et allassent former une note ou supplément. Nul doute que les érudits n’y trouvent plus d’un point à discuter. Mais notre objet n’a pu être ici que de donner un extrait, humble expression très en usage dans l’ancienne critique, dans celle qui se borne à rendre compte et à exposer.

Nous n’avons rien de tel à faire à propos de Colomba, si récente ou plutôt si présente, et que tout le monde a lue. Un jugement même semblera bien superflu après le succès universel. Prétendre expliquer à chacun pourquoi il y a pris plaisir, c’est trancher du docteur en agrément. Colomba, dans sa nouveauté, a tenu tête au fameux traité du 15 juillet ; elle y a fait une diversion charmante, et,