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France, un ministère pacifique[1] ne rencontre de grandes difficultés, et, comprenant que le rétablissement de la paix entre le sultan et le vice-roi ne sera pas complet, tant que la France n’y aura pas concouru, il est disposé à frayer les voies à cette combinaison.

« Le ministre autrichien suggère à la France la pensée d’employer son influence sur Méhémet-Ali pour le déterminer à solliciter de son souverain l’investiture héréditaire de l’Égypte en abandonnant le reste de ses possessions, pendant que les alliés useront de leur influence à Constantinople pour déterminer le sultan à faire droit à la requête du pacha.

« J’apprends de M. le comte Appony que M. Guizot a prêté l’oreille à ce conseil, et j’ai des raisons de croire qu’il a écrit à M. Cochelet de disposer le vice-roi à la démarche suggérée par M. de Metternich. »

L’engagement pris par M. Guizot à l’égard des puissances est encore plus formellement énoncé dans la dépêche que lord Granville adresse le 20 novembre à lord Palmerston.

« Comme j’exprimais la conviction que le gouvernement français ne pouvait pas espérer, si Méhémet-Ali persistait dans sa rébellion, que le sultan voulût abandonner son droit de souveraineté sur l’Égypte et qu’il ne prît aucune mesure pour recouvrer la flotte turque, M. Guizot reconnut pleinement l’embarras de cette situation, mais se borna à dire : Alors comme alors, voulant dire qu’il serait temps, quand cet embarras surviendrait, d’examiner les mesures qu’il conviendrait d’adopter. Cependant le gouvernement français

  1. Veut-on voir comment lord Palmerston traite personnellement ce ministère pacifique ? Voici un échantillon de ses aménités :

    « Quant à la disposition où vous dites que serait une des puissances à faire, à la France sous M. Guizot, des concessions que les alliés ont refusées à M. Thiers, j’ai à vous dire que cette distinction n’est pas fondée. Si les puissances alliées ont refusé, à la France sous M. Thiers, les concessions que M. Thiers demandait, et qui étaient que la Syrie entière ou une partie importante de la Syrie fût laissée à Méhémet-Ali, les puissances alliées n’ont pas agi en cela par quelque sentiment personnel contre M. Thiers, mais parce qu’elles pensaient qu’un arrangement, tel que M. Thiers le désirait, serait destructif de l’intégrité de l’empire ottoman, dommageable à l’indépendance du sultan, funeste à l’équilibre des puissances, et dangereux dans ses résultats pour la paix de l’Europe.

    « Maintenant aucune de ces considérations ne peut avoir été modifiée par les circonstances qui ont fait succéder M. Guizot à M. Thiers, et qui ont donné à M. Guizot la direction des affaires extérieures ; car alors même que la force de ces considérations dépendrait, ce qui n’est pas évidemment, du caractère personnel de l’individu qui occuperait à un certain moment certain poste ministériel en France, il faut se rappeler que les arrangemens auxquels se rapportent les concessions en question doivent être permanens, tandis que la possession du pouvoir par un individu en France ou ailleurs est nécessairement incertaine et précaire. » (Dépêche de lord Palmerston à lord Granville, 20 novembre 1840.)