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penses extraordinaires, soit pour pertes provenant d’autre chose que du commerce, soit pour créances non prouvées irrecouvrables. L’inspecteur du timbre, examen fait, accepte ou refuse l’affirmation. Dans le premier cas, tout est fini ; dans le second, le bulletin est renvoyé au contribuable avec une surcharge contre laquelle il peut former appel. Il a alors le choix de prendre pour juges soit des commissaires locaux institués ad hoc et indépendans de la couronne, soit un commissaire spécial nommé par le gouvernement. Le secret, d’ailleurs, est toujours enjoint aux commissaires.

Il me reste à expliquer quels furent les points principaux du projet ministériel sur lesquels portèrent les attaques de l’opposition, quelquefois même celles des amis du ministère. La première difficulté qui frappe tous les yeux est celle-ci. Est-il juste d’imposer également les revenus territoriaux, qui sont permanens, et les revenus commerciaux ou professionnels, qui sont temporaires ? Ainsi un propriétaire reçoit de ses fermiers ou de ses locataires 100,000 francs par an. Un médecin ou un homme de loi gagne 100,000 francs par sa profession. Peut-on dire qu’ils aient le même revenu ? Non, certes, car le fonds d’où le propriétaire tire son revenu est immuable et rendra toujours la même somme. Le médecin ou l’homme de loi, au contraire, s’il veut assurer un peu de repos à sa vieillesse et quelque aisance à ses enfans, doit mettre chaque année en réserve une portion de ce qu’il gagne. Encore une fois, y a-t-il égalité quand on demande à l’un comme à l’autre le sacrifice de 3 pour 100 ?

Ce n’est pas tout. Voici un propriétaire qui possède une rente perpétuelle de 6,000 livres, représentant, à 3 pour 100, un capital de 200,000 livres. Par suite d’arrangemens de famille, ce propriétaire convertit cette rente en une annuité de 18,000 livres, qui doit s’éteindre au bout d’un certain nombre d’années. Cette annuité de 18,000 liv. ne vaut pas plus que ne valait la rente perpétuelle de 6,000. Cependant il est imposé à une somme triple, puisque le bill ne fait aucune différence entre les rentes perpétuelles et les annuités. Est-ce encore là de la justice ? est-ce de l’égalité ? À de telles objections il était difficile de répondre, du moins d’une manière entièrement satisfaisante. Mais, une fois qu’on entrait dans la voie des distinctions, mille cas surgissaient qui, si on voulait les prévoir tous, jetaient dans la loi la plus inextricable confusion. Ainsi le revenu d’une propriété substituée devait-il être rangé dans la classe des revenus permanens ou des revenus viagers ? Convenait-il qu’un propriétaire chargé d’hypothèques payât comme un propriétaire qui dispose de