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L’AFRIQUE SOUS SAINT AUGUSTIN.

chose[1]. Ces hommes-là sentent combien la foi était un admirable principe d’action ; ils le sentent par réflexion, par souvenir, et ils le sentent aussi parce qu’ils en voient les effets chez les Arabes. N’oublions pas non plus, parmi les influences de l’esprit oriental, ces inspirations secrètes qui viennent du climat et des habitans. Quand le général Duvivier était à Gelma, il était sans cesse mêlé aux Arabes, tantôt faisant de la politique avec eux ou contre eux, excitant les rivalités des tribus et les empêchant ainsi de se réunir contre nous ; tantôt, au mois de décembre 1837, « lorsqu’il est mécontent de n’avoir pas été placé aux lieux où l’on combattait, et qu’il s’astreint à ne rien faire pour n’être pas traité de faiseur, » étudiant le pays et questionnant les indigènes, afin de dresser la carte de cette contrée. Ainsi, soit dans ses jours d’activité militaire, soit dans ses heures de repos et de mécontentement, il s’occupait sans cesse du pays et de ses habitans. À travers les soins de la guerre et les études géographiques, les mœurs, les idées, les sentimens des Arabes l’attiraient par la curiosité et donnaient à cet esprit actif et hardi un perpétuel sujet de réflexions. Ce génie oriental si peu bruyant, si peu bavard, si peu discuteur, si peu sceptique, si peu matérialiste enfin, quoique ce soit la renommée de l’Orient d’aimer le luxe et les plaisirs, cet esprit devait plaire au général Duvivier, ne fût-ce que par le contraste. Aussi, ne cache-t-il pas à cet égard sa préférence dès qu’on le pousse un peu. « La civilisation qu’on prêche aux Arabes, dit-il quelque part, ne leur donnerait qu’un bonheur social moindre encore que celui qu’ils trouveraient sous la domination générale et organisatrice de l’intelligent et religieux Abd-el-Kader. »

L’organisation par la religion, voilà, si je ne me trompe, l’idée dominante du général Duvivier, et ceci m’amène à indiquer la seconde d’entre les causes particulières de l’union de l’esprit occidental avec l’esprit oriental. Cette cause ne concerne qu’une partie des hommes de notre temps ; mais ce n’est pas la partie la moins distinguée. Cette cause est, selon moi, l’influence de l’École Polytechnique. Cela peut sembler un paradoxe ; aussi je me hâte d’expliquer ma pensée.

Voilà près de cinquante ans que dure l’École Polytechnique. Pen-

  1. « On m’avait déclaré un faiseur, » dit avec humeur le général Duvivier dans la préface de sa Topographie de Gelma. — Je ne suis point militaire, mais il me semble que ceux qui faisaient ce reproche au général Duvivier poussaient bien loin la religion de la consigne, dont le principe est d’agir sans penser. En Algérie surtout, je ne conçois guère que les officiers chargés d’un commandement ne soient pas quelque peu faiseurs, et je souhaite qu’ils le soient.