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LA BELGIQUE.

l’avons déjà dit, avec des couleurs nouvelles. Or, dans un pays où les partis sont vigoureusement fixés, la charte la plus libérale ne laisse rien au hasard des aventures. Ainsi la Belgique partage avec l’Angleterre l’avantage précieux d’avoir ses tories et ses whigs, des hommes d’état dans les deux camps, et deux administrations complètes toujours préparées à se succéder l’une à l’autre ; la force d’inertie du sentiment religieux remplace pour elle les garanties de stabilité que, de l’autre côté de la Manche, on a cherchées dans le maintien d’une aristocratie de caste.

Ce jeu régulier des institutions politiques n’a pas d’analogie en France, où l’opposition constitutionnelle se prolonge, faute de limites, jusqu’à la faction républicaine, et ne refuse même pas le secours de la faction carliste ; où la conservation, agglomérée autour de la dynastie en masses indisciplinées et confuses, s’en détache trop souvent par fractions de partis et va grossir les rangs de ses adversaires de la veille. C’est qu’en France, avant tout, il y a deux principes en présence, la démocratie et la monarchie, entraînés par leur lutte à sortir chaque jour de la sphère des idées, pour recruter dans la nation leurs armées flottantes et engager un éternel combat qui remet sans cesse les choses en question. Si cette lutte est nécessaire, si chacune de ses péripéties et de ses catastrophes intéresse vivement l’avenir de la société tout entière, elle livre un grand pays à toutes les incertitudes du lendemain, et ne lui a pas permis jusqu’à ce jour de déterminer d’une manière fixe et durable les conditions de sa politique intérieure.

Sous le régime que le peuple belge s’est donné, les partis au contraire ont leur mission tracée depuis long-temps. Ils étaient antérieurs à l’indépendance du pays ; tant qu’il a fallu résister pour la conquérir, ils sont restés unis ; après la victoire, ils ont fait la constitution de commun accord, et une fois entrés dans une vie normale, ils se sont séparés pour travailler, chacun avec ses propres armes prises dans cet arsenal commun, à faire dominer leur principe. Le parti catholique est le plus puissant, d’abord en ce que, par ses idées appartenant au passé, il pénètre plus avant dans l’antique nationalité du pays, ensuite parce que, comme tout parti soumis à une autorité qui ne se discute pas, il est plus solidement organisé. C’est le clergé qui le dirige, et le clergé obéit aveuglément à ses évêques. Le clergé belge ne relève que de lui-même ; maître absolu chez lui, il ne dépend pas même du pouvoir par le subside qu’il en reçoit, et