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tion religieuse et morale aux prises avec le progrès ou l’instabilité des idées et des choses, le passé cherchant à se renouer à l’avenir, et que c’est la Belgique qui discute cette puissante question aux portes de la France, et fait sur elle-même, avec ses mœurs et son caractère propre, une épreuve sociale dont les suites intéressent tous les peuples catholiques et constitutionnels ?

Entre ces deux partis, au-dessus d’eux, la mission de la royauté, que l’on pourrait croire sacrifiée, n’est pas la moins belle. Sans la royauté (nous faisons abstraction ici de toute cause extérieure), la Belgique, comme état, n’existerait peut-être pas huit jours. La royauté y est là comme un centre de cohésion qui retient et groupe les forces nationales du pays, toujours prêtes encore à rentrer dans leurs anciens foyers ; car ce qui est nouveau, nous croyons l’avoir prouvé suffisamment, ce n’est pas la nation, c’est l’unité belge. Si la royauté n’existait pas, il viendrait tôt ou tard un moment où les deux grands partis que nous avons nommés seraient conduits fatalement à la nécessité de se vaincre et de se ruiner sans retour. La présence d’une autorité qui leur est supérieure les empêche seule de recourir à cette extrémité. La royauté est si bien le pouvoir modérateur appelé par sa position à les contenir dans de justes bornes, que tout récemment, en 1841, il n’y aurait pas eu d’issue à la crise parlementaire qui renversa le ministère libéral, si par la formation d’un nouveau cabinet, qu’on pourrait nommer le cabinet de la couronne, et qui subsiste encore sous la direction de M. Nothomb, ce pouvoir n’avait évité de donner la victoire à l’un en consommant la chute de l’autre. Mais pour qu’il ait cette influence, il faut qu’il soit respecté. Or, la royauté l’est doublement, parce qu’elle est un besoin, et tout pouvoir nécessaire est fort ; ensuite, parce qu’émanée tout entière de la révolution de septembre, elle est un constant sujet d’orgueil pour ce pays. Le congrès a discuté la forme républicaine et la forme monarchique, et il s’est librement prononcé pour celle-ci, de sorte qu’il n’a laissé aucun prétexte de division, de regret, à une faction démagogique. La royauté belge, devenue la manifestation vivante de l’indépendance nationale, substituée à l’union révolutionnaire des libéraux et des catholiques, dont on pouvait dès 1831 prévoir la dissolution prochaine, c’est donc, en d’autres termes, l’unité nationale, et tout le pays se rallierait sans doute autour d’elle, si des dangers du dehors venaient menacer le maintien de l’œuvre accomplie en 1830 par un effort commun. Il faut aussi faire entrer en ligne de compte les