Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/1022

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
1016
REVUE DES DEUX MONDES.

consistance autour de l’unité dont nous avons essayé de décrire les progrès ; et le jour viendra bientôt où la suppression de la Belgique ne serait en définitive que la compression de ce qui, tôt ou tard, éclate et déborde, je veux dire d’un véritable peuple.

Il se peut encore que la Belgique disparaisse dans une de ces convulsions universelles que notre époque a vues, et dont la Providence l’a préservée il y a douze ans. Mais de quelque part que vînt le coup qui la renverserait, quelle que fût la puissance qui en accroîtrait son territoire, et dût celle-ci chercher à la tromper sur son abaissement par la promesse fondée d’une prospérité nouvelle, cette petite nation a déjà trop savouré le fruit de l’indépendance pour se consoler plus tard de l’avoir perdue sans retour. Désormais plus qu’à aucune période de son histoire, elle serait une cause d’inquiétude et d’affaiblissement pour le peuple qui l’aurait asservie. Ses maîtres auraient beau lui crier qu’elle était misérable et incertaine du lendemain ; comme cette femme à qui l’on rappelait sa jeunesse pauvre et obscure, elle répondrait que c’était là son temps de splendeur et de félicité, et sans motif, sans provocation, sans espoir, elle ferait comme a fait la Pologne, comme font tous les peuples fiers qui ont respiré un seul jour l’air pur de la liberté, elle s’insurgerait pour la joie funeste d’une heure de vengeance. Enfin, pour tout résumer en deux mots, la Belgique nous semble ne pouvoir plus être désormais qu’une nation libre ou une Irlande.


Eugène Robin.