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SITUATION FINANCIÈRE DE LA FRANCE.

nous de l’impôt direct, le revenu n’est pas susceptible, en temps de crise, de la même diminution que de l’autre côté du détroit, où les causes qui paralysent la consommation restreignent aussi la matière imposable et tarissent de cette manière les ressources de l’Échiquier.

Ainsi, comme valeur de placement, le 3 pour 100 français est naturellement supérieur au 3 pour 100 anglais ; et celui-ci étant coté à 96, celui-là devrait atteindre le pair. D’où vient cependant que les fonds anglais gardent sur les nôtres un avantage qui n’a jamais été moindre que 10 pour 100, et qui est en ce moment de 18 pour 100 ? Au reste, ce n’est pas seulement le crédit de l’Angleterre qui devance aujourd’hui celui de la France ; de petits états du continent, qui n’ont ni une existence politique solide, ni des finances à l’abri d’une commotion, voient leurs fonds publics accueillis sur les marchés avec une grande faveur. Le 4 pour 100 prussien est coté à 103, et les bons du trésor (schulds-scheine), portant un intérêt de 3 1/2 pour 100, à 104 5/8. Le 3 1/2 pour 100 de Francfort est coté à 104 5/8, c’est-à-dire plus cher que le 3 1/2 pour 100 anglais, qui est à 102 ; celui de Bavière est à 101, et celui de Bade à 96 1/2.

Quelles sont les causes qui dérangent la progression naturelle de notre crédit, et qui le rejettent, dans l’échelle des valeurs, au-dessous non-seulement de l’Angleterre, mais même de la Prusse, de la Bavière, du duché de Bade et de la ville de Francfort ? M. Humann les a fait pressentir ; il n’est pas hors de propos d’insister.

L’Angleterre et quelques autres états de l’Europe ont réduit l’intérêt de leur dette, toutes les fois que le taux des fonds publics a dépassé le pair[1] ; par là, le crédit public a été mis en rapport avec les progrès du crédit privé. La France est peut-être le seul pays de l’Europe où l’on ait procédé au rebours de ces données du bon sens, et où le gouvernement ait entrepris de résister à ce mouvement de la richesse qui produit partout la baisse de l’intérêt. On s’obstine à garder, malgré le cri public qui en provoque la conversion, trois fonds qui ont dépassé le pair, le 5 pour 100, le 4 1/2 pour 100 et le 4 pour 100. Et comme ces fonds, par la seule force des choses, restent en même temps sous le coup d’un remboursement, ils se trouvent comprimés, perdent toute élasticité, et n’ont plus que des cours fictifs qui ne répondent pas au prix réel de l’argent. Le 5 pour 100 pèse sur le 4 pour 100, qui pèse à son tour sur le 3. Et, ce qui est plus grave, les fonds publics, au lieu de servir d’étalon au taux de

  1. En ce moment même, il est question de convertir le 3 pour 100 anglais, qui est à 102.