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REVUE. — CHRONIQUE.

sans destination spéciale, et un grand nombre de fondations particulières qui procuraient, par voie de remises ou même de récompenses pécuniaires accordées en prix, le bienfait de l’éducation en tout ou en partie gratuite à 7,199 enfans. L’enseignement était en outre donné sans rétribution aucune dans beaucoup de colléges, et spécialement dans tous les colléges de Paris depuis 1719. Le nombre des élèves externes qui fréquentaient, à ce titre, les anciens colléges, à Paris et dans diverses provinces, est évalué à 30,000. En résumé, le nombre total des élèves qui recevaient l’éducation ou l’instruction, soit entièrement, soit partiellement gratuite, excédait 40,000. Cet état de choses n’était pas un don du gouvernement, mais l’ouvrage des libéralités de plusieurs siècles, et pour ainsi dire l’expression même des progrès de cette civilisation qui, depuis le moyen-âge, avait porté si loin la gloire de la France dans les lettres et dans les sciences. C’était grace à de telles fondations que l’instruction s’était répandue, s’était sécularisée.

« Les mêmes facilités, moins nécessaires aujourd’hui, n’existent plus. L’effort de la générosité publique et privée s’est tourné vers un autre objet. C’est l’instruction élémentaire qu’on a suscitée, encouragée, dotée, dans des proportions qui honorent votre règne. Que cette noble tâche soit incessamment poursuivie ! Qu’elle avance chaque année vers un terme qu’on entrevoit dès aujourd’hui ! Qu’elle prépare et qu’elle assure, par l’amélioration morale, un accroissement de bien-être et d’utile activité ! Mais la France, en voulant procurer à tous les connaissances élémentaires, ne peut oublier que les arts de l’esprit dans leur complet développement sont le premier titre de sa gloire, que la puissance, sous toutes les formes, est aujourd’hui liée à la pratique de ces arts, et que, dans l’état actuel du monde, une grande nation a besoin d’être une nation savante. »

À ces considérations on pourrait peut-être ajouter que sous l’ancien régime la carrière militaire pour le grade d’officier était fermée à la roture, à la grande majorité des Français. L’église, le barreau, les lettres, étaient les seules voies dans lesquelles on pouvait espérer d’atteindre cette classe intermédiaire, qui, sans être la noblesse, avait, elle aussi, ses priviléges de droit et de fait. Aujourd’hui, non-seulement les professions industrielles et commerçantes, mais l’armée, ouvrent de larges et nobles carrières même aux hommes qui sont restés étrangers à l’instruction classique. Un simple soldat enlevé à la charrue, s’il est intelligent, peut arriver aux grades militaires.

Quoi qu’il en soit, on peut juger par ces courts extraits combien sont graves, importantes et curieuses, les questions que soulève le rapport de M. Villemain. C’est un travail consciencieux, lumineux, qui mérite d’être étudié et connu dans toutes ses parties. Le temps nous manque pour y insister aujourd’hui. Nous y reviendrons ; nous pourrons alors, sur un ou deux points, indiquer quelles sont les améliorations qui nous paraissent nécessaires au beau système d’enseignement que M. Villemain dirige avec un zèle égal à ses vastes lumières.


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