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LA RUSSIE.

ment plus large. Une cabane d’anachorète fut convertie en une église ; des deux côtés de la rivière s’élevèrent des couvens. Moscou devint la résidence de Jouri III, la capitale d’une principauté qui, de siècle en siècle, et pour ainsi dire d’année en année, devait étendre ses limites au nord et au sud. Ivan Danélovitch la dota de deux nouvelles églises et l’entoura d’une forte barrière en chêne. Dmitri, son petit-fils, remplaça cette barrière par une muraille en briques. Vers la fin du XIVe siècle, après les ravages d’une peste désastreuse et de plusieurs guerres, Moscou s’étendait sur les deux bords de la rivière, et renfermait déjà une demi-douzaine d’églises et de monastères.

Des églises, des monastères, une forteresse, voilà le berceau de Moscou, et toute son histoire est là, entre un glaive qui répand la terreur et une relique qui impose le respect. Dévastée au XIVe et au XVe siècle par les princes de Lithuanie, elle se releva une troisième fois de ses ruines sous le règne de l’ambitieux Ivan Vassilievitsch, qui lui donna pour premiers trophées les dépouilles de Novogorod, agrandit son enceinte et bâtit les tours du Kremlin. Ses successeurs continuèrent son œuvre avec ardeur, et, sous le règne d’Ivan-le-Terrible, Moscou occupait déjà un immense espace.

Le Kremlin, qui a été le premier noyau de cette ville, en est resté le point central. C’est de là que les différens quartiers se sont étendus de côté et d’autre, comme les rayons d’une roue, et c’est là qu’ils se réunissent comme le lin autour du fuseau. Le Kremlin domine par sa situation toute la cité. Son clocher d’Ivan Veliki avec sa coupole dorée s’élève au-dessus des autres clochers qui l’entourent, et ses remparts épais, crénelés, semblent encore prêts à défendre la demeure des tsars et le sanctuaire des patriarches. À l’intérieur, c’est un singulier assemblage de constructions de différentes époques et d’édifices de toute sorte. Rien de symétrique, rien de régulier, ni dans les rues qui traversent l’enceinte ni dans les espaces vides qui séparent les bâtimens. Cathédrales, chapelles, palais, tout a été jeté là de siècle en siècle par la pensée pieuse ou le caprice du souverain, édifié par la fantaisie de l’artiste, et tout ce mélange d’architecture religieuse et profane, de style antique et byzantin, de flèches aiguës et de coupoles arrondies, toute cette variété de teintes et de couleurs, de façades, de clochers, produit un effet étrange, inexplicable, qui étonne comme un rêve, qui offre aux regards fascinés tantôt l’attrait d’une arabesque, tantôt l’auguste aspect d’un monument consacré par le temps et par de nobles souvenirs.

C’est d’abord la cathédrale de l’Assomption, la première église bâtie en pierre à Moscou. Sa nef est étroite et sombre, sa voûte soutenue par quatre énormes piliers qui occupent presque le tiers de son enceinte, et ces piliers, cette voûte, ces murailles, sont du haut en bas couverts de peintures à fresque, représentant sous une forme gigantesque des figures de saints et d’apôtres avec des manteaux de pourpre et des auréoles d’or. L’iconostase, c’est-à-dire la barrière qui sépare le sanctuaire du reste de l’église, et qui s’élève jusqu’à la voûte, est comme une de ces murailles fabuleuses dont parlent les poètes de l’Orient, une muraille de vermeil couverte d’images cise-