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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 décembre 1842.


Dans quelques jours, l’arène parlementaire sera derechef ouverte aux hommes politiques : la session va reprendre son cours. C’est l’almanach qui nous le dit, et un peu aussi quelques journaux. Quant au public, il a l’air de l’ignorer ; il n’en dit mot. Toujours dominé par ses préoccupations matérielles, ne songeant qu’à ses spéculations, à ses entreprises, à ses affaires, il n’a pas de goût dans ce moment pour la politique ; il n’a pas de temps à lui donner ; disons mieux, il ne l’aime guère, il s’en défie. La connaissant d’humeur quelque peu inquiète et tracassière, il la redoute, il craint d’en être dérangé ; il oublie, comme un ingrat qu’il est, les grands services qu’elle lui a rendus, les nobles jouissances qu’elle lui a procurées. Toujours incapable de faire deux choses à la fois, de suivre en même temps le cours de deux idées, le bonhomme se fâche et se bouche les oreilles toutes les fois qu’on essaie de lui parler de quelque chose qui pourrait l’arracher une minute à ses comptes courans. C’est ainsi qu’à une autre époque il taxait de songe-creux, de brouillons, de mauvais citoyens, tous ceux qui, lui parlant commerce, marine, liberté politique, prétendaient lui faire comprendre que tout ce qu’il y a d’important, de précieux, de sacré pour une nation, ne se trouvait pas dans les bulletins de la grande armée. Plus tard, le public changea d’avis ; il fallut alors, pour en être écouté, l’entretenir de politique et de droit constitutionnel. La charte, le jury, la liberté de la presse, la réforme électorale, la responsabilité des ministres, occupaient toutes ses pensées ; c’était là sa vie, sa gloire, son honneur ; tout le reste lui paraissait secondaire et subalterne. Une dynastie aveuglée ne comprit pas cette phase nouvelle de l’esprit français ; ce qui était une idée fixe, un sentiment profond