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DU DROIT DE VISITE.

et la popularité de Washington, un moment obscurcie, reprit tout son éclat.

Mais le directoire français ne se prêta pas de même à la politique du président et aux raisons qui le déterminaient. Depuis long-temps il le sollicitait de faire respecter sa neutralité, ou de rompre avec l’Angleterre. La signature et la ratification du traité de commerce, sans l’abolition du droit de visite, achevèrent de l’exaspérer. Il décréta que tout bâtiment américain, rencontré par la marine française, ou entrant dans les ports de France, serait tenu de justifier, par certains papiers de bord, qu’il n’avait pas été visité, faute de quoi il serait confisqué. En vain le président représenta qu’on ne pouvait rendre les bâtimens des États-Unis responsables des violences exercées contre eux, ni exiger d’eux d’autres papiers de bord que ceux portés aux traités ; en vain il offrit, pour preuve d’une loyale impartialité, de les laisser visiter par la marine française aussi long-temps que la marine anglaise les visiterait ; en vain John Adams, successeur de Washington, envoya à Paris des négociateurs pour calmer le directoire et pour arranger avec lui ce différend : le directoire refusa de les recevoir. Une vive irritation éclata aux États-Unis à la nouvelle de cet affront. On s’aigrit de plus en plus de part et d’autre, et les hostilités éclatèrent. La frégate française l’Insurgente s’empara, après un combat, d’un bâtiment de guerre américain, et fut prise à son tour[1]. Le droit de visite, au lieu d’allumer la guerre entre les États-Unis et l’Angleterre, la fit naître entre la France et les États-Unis.

Une guerre aussi impolitique ne pouvait durer long-temps. L’opinion, en France, se révolta contre la conduite du directoire. Il fut obligé de solliciter lui-même les États-Unis d’envoyer de nouveaux commissaires, et quand ils arrivèrent, le directoire n’existait plus. Napoléon avait pris sa place. Le rétablissement de la bonne intelligence avec les États-Unis marqua l’avènement du premier consul. Il méditait, à cette belle époque de sa vie, de rendre la paix à la France comme il lui avait rendu le repos intérieur : pouvait-il mieux commencer qu’en la réconciliant avec la confédération américaine, son alliée naturelle ? Il signa avec elle un traité d’amitié et de commerce[2] ; ce traité stipula la restitution des prises faites de part et d’autre. Il annula le décret du directoire, quant aux pièces de bord

  1. Février 1790.
  2. 30 septembre 1800.