Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
REVUE DES DEUX MONDES.

cesser, on n’aurait plus de motif de visiter leurs vaisseaux. Or, elle semblait arrivée à un état de violence qui permettait d’en espérer la fin. Un peu de patience encore, et quel que fût le vainqueur, de Napoléon ou de l’Angleterre, on serait délivré, sans guerre, de la tyrannie sous laquelle on gémissait. »

Ce conseil de temporisation ne prévalut point. Rien encore ne justifiait l’espérance que la guerre entre la France et l’Angleterre fût près de finir. Napoléon était dans toute sa force, et la Grande-Bretagne, inaccessible à ses armes, luttait contre lui en Espagne et préparait les élémens d’une nouvelle coalition. La majorité du congrès pensa que les États-Unis ne pouvaient attendre indéfiniment le redressement de leurs griefs, et que la situation où les avait mis l’Angleterre n’était plus tenable. Soixante-dix-neuf voix contre quarante-neuf se prononcèrent, dans la chambre des représentans, pour la guerre, et dix-neuf voix contre treize dans le sénat. Le président annonça, par une proclamation, cette grande résolution[1]. Il eut soin de déclarer que les États-Unis n’entendaient point par là se mêler en aucune façon aux querelles de l’Europe, qu’ils ne prenaient les armes que pour les griefs qui leur étaient propres, et qu’ils les déposeraient aussitôt que l’Angleterre consentirait à respecter leurs justes droits.

Les États-Unis, au moment où ils entreprirent cette guerre, n’avaient encore qu’une population de six millions d’habitans. Cinq ou six mille hommes constituaient toutes leurs troupes régulières, et dix frégates toute leur marine. Cependant ils soutinrent, pendant trois campagnes, l’effort de la puissance anglaise, depuis les bords du Niagara jusqu’aux bouches du Mississipi. Leurs flottilles défirent celles de l’ennemi sur les lacs Champlain et Erié. Ils envahirent la frontière du Canada. Moins heureux sur leur frontière maritime, ils ne purent empêcher qu’elle ne fût insultée par les flottes anglaises. Des troupes de débarquement, ramas de déserteurs de toutes les nations qui avaient abandonné, en Espagne, les drapeaux de Napoléon, promenèrent sur les bords de la Delaware la mort et l’incendie. Washington, la capitale de la confédération, fut occupée, et ses principaux édifices livrés aux flammes ; mais la victoire de Jackson, à la Nouvelle-Orléans, vengea cet affront. Un corps de dix mille hommes, l’élite de l’armée anglaise en Espagne, y fut défait et contraint de se

  1. 18 juin 1812.