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DU DROIT DE VISITE.

doute que ce système, joint aux lois plus sévères adoptées à cette époque et au nouveau régime des colonies, n’eût suffi pour détruire le commerce des noirs. Et qu’on ne dise pas que le droit de visite, ainsi établi, ne portait aucune atteinte au respect du pavillon, en temps de guerre, et que l’exception, ici comme ailleurs, a confirmé la règle. L’Angleterre ne l’a pas ainsi entendu. Elle a maintenu son droit de visite en temps de guerre, et a pu trouver de l’avantage à y accoutumer les peuples en temps de paix. La France, en concourant à affaiblir chez les peuples la jalouse susceptibilité du pavillon, risquait de ne pas la retrouver, dans le temps du besoin, aussi forte qu’elle avait été. On ne pouvait demander aux marins russes et suédois de se laisser visiter aujourd’hui par les Anglais, et de regarder, en temps de guerre, comme un sacrilége l’entrée d’un Anglais sur leur bâtiment. Un tel sentiment ne peut pas mourir et renaître suivant les temps, pas plus que suivant les latitudes ; s’il faut y renoncer en-deçà de l’équateur, on ne le retrouvera pas en passant la ligne.

Il y avait d’ailleurs les États-Unis, dont l’alliance devait dominer toute autre considération. Leur refus, depuis 1824, d’accéder au droit de visite réciproque était connu. Il importait de ne pas se séparer d’eux sur cette question. C’est sur eux, maintenant, que repose, en cas de guerre maritime, toute l’espérance de la France, pour la défense des droits des neutres. Il n’était pas indifférent de défendre avec eux les mêmes principes de droit maritime, de conserver la même religion.

Les États-Unis ont montré, en 1812, ce qu’ils peuvent faire. Ils ont commencé par des protestations, et fini par la guerre. Leur population n’était alors que de six millions d’habitans, leur marine se composait de huit ou dix frégates. Ils ont contraint avec cela l’Angleterre à affaiblir, par deux fois, son armée d’Espagne pour les combattre, et ont occupé une partie de sa marine. Que ne feraient-ils pas aujourd’hui avec dix-huit millions d’habitans, dix vaisseaux de ligne et vingt frégates ! De quoi ne seront-ils pas capables dans vingt ans, quand ils auront trente à quarante millions d’habitans ! et quelle force la France ne peut-elle pas trouver dans cette alliance, si elle prend soin de la ménager ! En vain les États-Unis ont déclaré, en 1812, qu’ils n’étaient les alliés de personne, qu’ils ne prenaient les armes que pour leur propre cause, et qu’ils les déposeraient aussitôt que l’Angleterre aurait fait droit à leurs griefs. C’était un hommage rendu aux principes de Washington, qui leur avait recommandé de ne point se mêler aux querelles des autres ; mais ils n’en étaient pas