Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
228
REVUE DES DEUX MONDES.

ils les déclarent indignes d’être goûtés, et pareils en tout à de fortes semelles de bottes.

Cette rivière de Limpopo est comme le point auquel viennent se rallier les troupes d’éléphans, de buffles, d’hippopotames et de rhinocéros, presque à l’exclusion des animaux plus faibles qui doivent nécessairement aller chercher pâture ailleurs. Au reste, la Providence a fait la part de chacun : les plus gros, comme s’ils craignaient de trop se montrer et d’attirer l’ennemi de trop loin, se tiennent dans les joncs, sous les arbres, dans les fossés ; les petits, au contraire, quaggas, antelopes, cerfs de toute espèce, comptant sur l’agilité de leurs jambes, paissent en plaine.

Il fallait, laissant à l’ouest la rivière Limpopo, traverser au nord les monts Kashan ; les guides de Moselekatse refusèrent d’aller au-delà, parce qu’ils seraient entrés sur le territoire de Dingaan, leur ennemi acharné. « Ces montagnes, dit le capitaine Harris, assurément les plus hautes de l’Afrique méridionale, ne sont peut-être pas aussi élevées qu’elles le paraissent, parce qu’elles surgissent brusquement d’en bas, sans transition de terrain. Du haut d’une des cimes que nous gravîmes, l’extraordinaire réfraction de l’atmosphère nous permit d’apercevoir, dans la direction de Delagoa, une très lointaine chaîne d’autres montagnes courant aussi nord et sud, que l’on dit être la limite orientale des conquêtes de Moselekatse. C’est dans cette région, l’est des vallons si beaux, mais si malsains, dans lesquels la Vaal prend sa source, que Triechard, le chef des premiers émigrans hollandais, alla s’établir sur les bords de ce qui semble être une large rivière, tributaire du Limpopo au dire des indigènes ; toutefois la source et le cours de cette rivière sont encore inconnus. Elle fut découverte par Robert Scoon. »

De là, les voyageurs, marchant toujours, observant le cours des ruisseaux et la direction des montagnes, campèrent sur la rivière Machachochan, au lieu même où périrent les Griquas, vaincus par Moselekatse, car ses états ont été conquis à la pointe de la lance ; il a d’ailleurs gagné plus de terrain que de sujets, ce qui peut-être n’est pas contre la politique d’un prince dont les troupeaux sont toute la richesse. Après une splendide chasse aux giraffes, fort curieuse en elle-même et par les détails que donne le capitaine Harris sur les mœurs de ce gracieux animal, la caravane tourna définitivement le dos au tropique et mit le cap au sud. Bientôt le pays devint moins riant, moins peuplé de sauvages et d’animaux ; à peine rencontrait-on quelques gazelles et quelques débris errans des tribus Be-