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EXPÉDITION DU CAPITAINE HARRIS.

coutumés (dans l’Inde) ; le pain et la viande, avec une simple tasse de café et de thé, composaient des mois entiers tout notre ordinaire. » Pauvres gens ! Mais c’est un capitaine du génie, un officier de l’Inde qui parle ; ses vingt-cinq serviteurs, sa haute paie, son grade élevé, l’ont habitué à un luxe que nous ne comprenons guère.

Nous avons pensé qu’une pareille relation, postérieure à celles de Janssens, de De Mist, des missionnaires, et peu répandue en Europe, inconnue en France, ne serait pas sans intérêt, même si rapidement analysée. Un coup d’œil net jeté sur les solitudes où se passent des évènemens d’une mince importance, il est vrai, mais bien graves cependant au point de vue de l’humanité, des détails topographiques sur cette partie de l’Afrique méridionale comprise entre les frontières de la colonie, le tropique du capricorne, l’Océan Atlantique et la baie de Delagoa, une description et presque une histoire complète des tribus conquérantes et des tribus conquises, ainsi qu’une indication des animaux avec lesquels elles partagent le désert, un bon nombre de données géographiques sur des fleuves et des rivières, des montagnes et des collines rarement explorées dans leur ensemble, voilà ce qui recommande l’ouvrage du capitaine Harris à plus d’une classe de lecteurs. Chasseur passionné, naturaliste habile, le capitaine, versé dans la littérature de son pays, sait varier son style, jeter çà et là dans ses pages de beaux vers, des citations choisies, qui rompent la monotonie d’une narration, conter les épisodes avec esprit et gaieté, et surtout peindre avec ame les paysages variés qui se déploient devant lui. Il voit la nature sous ses aspects multiples, et, comme il l’aime en artiste et quelquefois en poète, il comprend et fait comprendre qu’elle est toujours pleine de magnificences dans les mornes pâturages de la Vaal comme dans les sublimes forêts qu’abritent les monts Kashan.

À ce livre précieux à plus d’un titre sont joints une carte, un appendice zoologique, et une esquisse de l’émigration des colons hollandais dans le Natal en 1836. Cette dernière partie de l’ouvrage contient des détails assurément peu connus sur la marche, les établissemens temporaires et définitifs des émigrans ; peut-être ne nous saura-t-on pas mauvais gré d’en donner ici un rapide aperçu.

« L’abandon de la colonie du Cap par les anciens habitans hollandais est sans exemple dans l’histoire des possessions anglaises, dit le capitaine Harris. Des émigrations partielles n’ont rien de rare, mais il s’agit ici d’un corps de cinq à six mille individus qui ont, d’un commun accord, déserté le lieu de leur naissance, le toit de leurs