Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 1.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
281
POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

femmes, M. de Stendhal dit fort à propos, dans les pensées détachées qu’il a ajoutées au volume : « Grand défaut des femmes, le plus choquant de tous pour un homme un peu digne de ce nom : le public, en fait de sentimens, ne s’élève guère qu’à des idées basses, et elles font le public juge suprême de leur vie ; je dis même les plus distinguées, et souvent sans s’en douter et même en croyant et disant le contraire. » Sur les idées basses du public et sur la soumission des femmes à ces idées, il s’exprime aussi dans le premier volume avec trop peu de ménagemens pour que nous puissions le citer ici. À côté de cela, il y a des idées dont nous ne voulons point garantir la justesse et dont nous blâmons la rudesse d’expression ; celle-ci, par exemple : « La force d’ame qu’Éponine employait avec un dévouement héroïque à faire vivre son mari dans la caverne sous terre et à l’empêcher de tomber dans le désespoir, s’ils eussent vécu tranquillement à Rome, elle l’eût employée à lui cacher un amant. Il faut un aliment aux ames fortes. » N’y a-t-il pas ici, dans la forme sinon dans le fond, un peu de cette amertume qui aurait pu pousser M. Beyle à écrire sur l’amour pour se distraire de l’amour ? Et cet autre passage, bien vrai d’ailleurs, n’est-il pas l’écho d’un ressentiment personnel ? « Voilà qui devrait bien marquer aux yeux des femmes la différence de l’amour-passion et de la galanterie, de l’ame tendre et de l’ame prosaïque. Dans ces momens décisifs, l’une gagne autant que l’autre perd… Dès qu’il s’agit des intérêts trop vifs de sa passion, une ame tendre et fière ne peut pas être éloquente auprès de ce qu’elle aime… L’ame vulgaire, au contraire, calcule juste les chances de succès… et, fière de ce qui la rend vulgaire, elle se moque de l’ame tendre, qui, avec tout l’esprit possible, n’a jamais l’aisance nécessaire pour dire les choses les plus simples… L’ame tendre, bien loin de pouvoir rien arracher par force, doit se résigner à ne rien obtenir que de la charité de ce qu’elle aime… » Ce passage est mal écrit, et nous en avons, pour cette raison, supprimé une bonne moitié, où la mauvaise humeur de l’auteur nous semblait seule pouvoir être intéressée, ce qui nous ramène toujours à notre supposition. Au fond, le livre de l’Amour se résume en ceci : Les Français sont trop vaniteux ; les Anglais sont trop orgueilleux et ont trop su, comme les anciens Romains, persuader à leurs femmes qu’elles doivent s’ennuyer ; les Allemands, qui meurent d’envie d’avoir du caractère, sont trop rêve-creux, ils se jettent trop dans leurs imaginations et dans leur philosophie, espèce de folie douce, aimable, et