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devient tous les jours plus faible. Il y a même dans l’Université plusieurs prêtres qui enseignent la philosophie éclectique et ne croient pas, en le faisant, contrevenir à d’autres devoirs. Soutenir que l’Université entière enseigne le panthéisme depuis vingt ans sous l’autorité et la sanction de l’état, c’est beaucoup avancer sans doute. Et comment le prouve-t-on ? Laissons là la grosse artillerie de M. Goschler et de M. Maret ; car ce sont des pièces de parade dont on se sert pour éblouir des recrues et qu’on n’oserait pas mettre en ligne. On établit, au moyen de deux ou trois phrases tirées des écrits de M. Cousin et séparées de ce qui les expliquerait, que M. Cousin est panthéiste, et l’on en conclut que l’Université tout entière est panthéiste. Passons sur le principe, que nous retrouverons tout à l’heure ; la conclusion est mauvaise.

Qu’est-ce qu’une école de philosophie ? Est-ce une réunion d’hommes vivant en commun sous une autorité suprême et demandant à leur chef la permission de penser ? Depuis le père Enfantin, qui nous a donné ce triste spectacle, personne que je sache ne s’est jamais attribué un tel pouvoir. On est de la même école par une certaine communauté d’idées et de principes ; mais comme l’essence de la philosophie est précisément la liberté de penser, qui donc a jamais imaginé que cette liberté n’existât que pour le chef d’une école, et que s’avouer le disciple d’un autre fût renoncer soi-même à la qualité de philosophe et se résigner à n’être plus qu’un écho ? Quand il s’agit d’une école telle que celle-ci, qui dure depuis vingt ans, et qui compte un si grand nombre de professeurs et de disciples, un adversaire de bonne foi ne peut conclure sans examen qu’une erreur du maître est partagée par toute l’école. Et quant à l’Université, qui a et qui doit avoir une discipline, on ne soutient pas apparemment qu’une des prescriptions de cette discipline soit l’enseignement du panthéisme. Il peut se rencontrer çà et là quelques écarts dans l’enseignement universitaire : la solidarité d’un grand corps n’est jamais absolue, et ce serait un pauvre raisonnement que de déclarer l’église française hérétique, parce qu’on aurait surpris une hérésie dans quelques-uns des innombrables sermons qui se débitent chaque jour. Mais il faut le déclarer hautement, pace que c’est la vérité, parce qu’une calomnie répétée avec acharnement dans un intérêt de parti est une sorte de crime, parce que enfin il s’agit d’un enseignement qui n’est pas interrompu, et par conséquent d’une assertion que chacun peut vérifier par soi-même : l’Université n’enseigne pas le panthéisme, les professeurs éclectiques de l’Université